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Fatigue ou surentraînement : Une affaire de subjectivité !

Plus que dans toute autre discipline, l’adepte du Trail s’expose au risque d’atteindre puis de dépasser ses limites. Durée d’épreuve rarement rencontrée dans l’histoire (en dehors de quelques tentatives isolées et confidentielles par le passé). Enchaînement d’épreuves défiant l’entendement, charges de travail, en préparation, souvent trop lourdes, et bien sûr contraintes de vie finissant de rendre l’équation extrêmement délicate à résoudre. Alors comment comprendre la fatigue pour éviter le « surentraînement » ?


SAVOIR SE FATIGUER… MAIS PAS TROP !

 

L'objectif majeur de tout coureur passionné par son activité, consiste à atteindre un bon niveau de performance sans pour autant compromettre sa santé. Sa progression résultera des adaptations progressivement survenues dans l’organisme, ces adaptations passant par un état instable préalable, consécutif à l’effort et associé à de la fatigue. Lorsqu’elle est momentanée, ce qui constitue une situation jugée normale en réponse à l’entraînement, elle participe à la progression. C’est le leitmotiv célèbre des sportifs Anglo-Saxons : « No pain, no gain ! », qu’on peut traduire par : « pas de progrès sans souffrance ! ». Mais à terme, l’athlète se trouve confronté à la stagnation de ses moyens, car ayant répondu aux sollicitations croissantes, il est de moins en moins « déstabilisé » par les séances effectuées. Et s’il continue à s’entraîner de la même manière, plus rien ne se passera. Cela impose d’imaginer sans cesse de nouvelles stratégies pour surprendre un organisme de plus en plus endurci. L’entreprise de grosses charges de travail en fait partie. Au risque de ne plus les supporter ! De ce fait, beaucoup de spécialistes se sont penchés sur la question de la dose optimale d'effort supportable et tentèrent de mettre toutes ces données en équations. C'est le cas notamment d'Eric Banister, chercheur à l'Université de Burnaby au Canada. Son idée maîtresse fut de considérer deux paramètres pour définir la performance: d'une part l'état de fatigue, qui doit forcément être le plus bas possible; de l'autre l'aptitude, qui elle, doit être au summum. En clair, il faut se présenter sur la ligne de départ en étant à la fois très affûté et très frais, autrement dit avec une différentielle maximale entre deux courbes, celle de forme d’une part, et celle de fatigue d’autre part. Cela n'a rien d'évident! Car l’état de forme et la fatigue évoluent avec des cinétiques distinctes. On ne commence à rembourser l’emprunt de la fatigue qu’une fois qu’on a beaucoup dépensé ! Pour cela, la prédiction précise de l’impact à distance d’une séance donnée ou d’une série de séances reste aléatoire et peu prévisible. Tout l'art (et non la science) consiste alors à dissocier ces deux paramètres par un programme qui préconise, en général, des charges importantes de travail à distance de l'objectif, suivies par un programme allégé, voire même par un repos complet à proximité de l'événement, une période que les Anglo-saxons désignent sous l'expression "tapering".

 

Le souci de quantifier la « charge » de travail et de prédire la performance a initié une réflexion empruntant largement aux modèles mathématiques. L’idée était de tracer des courbes de fatigue et d’aptitude et de prévoir à quel moment, et comment, la différentielle entre les deux serait maximale. Pour tenter de tracer ces deux courbes, il fallait disposer de marqueurs fiables. La charge de travail pouvait être rendue par un indicateur assez objectif, intégrant le produit de la durée d’effort et du rythme cardiaque moyen. C’est ainsi que Bannister, puis Candau et Busso ont imaginé, à la fin des années 80, une unité de charge de travail, le «TRIMPS» (pour « Training IMPulse » terme anglais pouvant se traduire par « stimulus d’entraînement »). Cette invention était destinée à les aider à rendre compte des efforts fournis. Pour l’appréciation de la fatigue, faute de « fatigomètre » ou d’un marqueur suffisamment spécifique, ils avaient recours à un indice plus subjectif, la pénibilité éprouvée, scorée sur une échelle de 0 à 10. La tentative a abouti à la conception de logiciels certes attrayants, mais davantage efficaces dans l’art de programmer une performance que dans la possibilité de prévenir le surentraînement. En outre, son principe le confine exclusivement à ce qui concerne l’exercice, et à rien d’extérieur à celui-ci.



« C’EST FATIGANT D’ETRE FATIGUE ! »

 

Historiquement, on la décrit comme étant «l’impossibilité de maintenir la puissance désirée ou attendue ». Cette définition correspond à la fatigue instantanée, qui se dissipe normalement avec un repos approprié. Le sportif s’attend à la rencontrer. Il trouve cela normal et s’inquiète même parfois de son absence à la fin d’une séance. Par contre, lorsque cette fatigue persiste et dure au-delà de ce qui est attendu, on parle de surmenage, de surentraînement, de fatigue chronique ou d’épuisement, avec des nuances retrouvées dans le vocabulaire des Anglo-Saxons avec des terminologies comme « overreaching » «overtraining » ou « exhaustion », qui introduisent des nuances relatives de gravité, mais n’en disent pas beaucoup plus sur l’importance du problème ni sur ce qui le différencie, dans la cellule, d’une fatigue « normale » temporaire et somme toute bénéfique.

 

Pourquoi se fatigue-t-on ? En répondant à cette question, on parviendrait ainsi à mieux comprendre les facteurs qui limitent la performance et à définir les modalités d’entraînement les plus efficaces. Simultanément, on pourrait mieux prévenir, pense-t-on, la fatigue chronique. Apporter une réponse constitue une tâche éminemment complexe, dans la mesure où la survenue de la fatigue met en jeu une multitude de facteurs, dont la plupart sont étudiés isolément. L’un des objectifs des premiers physiologistes de l’exercice a consisté à identifier la cause initiale et de localiser l’origine de la fatigue. Plusieurs concepts se sont succédé au fil des époques. Il peut s’agit d’une diminution de la force des influx nerveux en provenance du cortex, d’une altération de l’excitabilité des motoneurones, d’un problème au niveau de la jonction neuro-musculaire, d’une atteinte du couplage excitation- contraction dans les fibres, d’une diminution des propriétés contractiles ou enfin de l’accumulation d’un déchet ou de l’épuisement d’un carburant. Chacun de ces facteurs peut, à un moment donné et selon le contexte, constituer la cause de la baisse d’aptitude ou représenter la cause de la fatigue éprouvée. Et ceci d’autant plus que l’un des principes auxquels personne ne déroge au plus haut niveau, est celui de la « surcharge », qui implique de solliciter l’athlète au-delà d’une zone de confort physiologique, de façon à améliorer ensuite ses capacités. Mais ce faisant, on approche momentanément ses limites physiologiques de l’instant. Utiles à améliorer l’art de l’entraînement et à peaufiner nos connaissances sur la fatigue « momentanée », ces travaux n’ont par contre pas répondu au problème de la compréhension de la fatigue chronique. En fait, on est bloqué sur cette question car la frontière est ténue entre la fatigue passagère nécessaire à la performance et le surmenage, synonyme de contre-performance. Tout est affaire de « ressenti » et de durée jugée anormale, c’est-à-dire de subjectivité.

 

L’incrimination d’une charge d’entraînement excessive est souvent avancée, tout en sachant qu’elle participe aussi, dans l’esprit de beaucoup, à l’amélioration des performances. Ainsi, les charges auxquelles les athlètes se trouvent aujourd’hui soumis les prédisposent à cet état de surmenage caractéristique. Et lorsque la fatigue est qualifiée de « chronique », on scrute le plan d’entraînement pour comprendre… alors que la vérité est peut-être ailleurs.


A QUOI RECONNAÎT-ON LE SURENTRAÎNEMENT ? AU FAIT QU’IL EST LA !

 

A priori, le diagnostic du surentraînement pourrait paraître simple, puisque la méforme persistante représente, en soi, un élément systématique. Mais c’est une notion très relative, dans la mesure où, au plus haut niveau, la différence entre une performance de niveau mondial et l’échec se joue souvent à quelques %. La « méforme » n’est donc pas suffisante pour rendre compte de la présence du surentraînement. Elle peut correspondre, dans certains cas, à un état de santé qu’envieraient bien des non actifs… mais pas toujours. D’où l’idée de lister d’autres signes qui seraient systématiquement relevés lorsque l’athlète se plaindrait d’être toujours fatigué. C’est ce qui a conduit à relever que d’autres critères, lorsqu’ils perdurent, peuvent en témoigner, comme une sensation de fatigue généralisée, des tendances dépressives, des douleurs musculaires et articulaires, et bien d’autres indices au milieu desquels il est facile de se perdre. Les principaux paramètres ont été listés dans une série de travaux consacrés au suivi du « surentraînement » et un résumé des familles de signes figure dans l’encadré 1. Certaines nuances très subtiles rendent difficilement utilisable telle quelle ce répertoire, et éclaire davantage- s’il le fallait- sur notre incapacité à véritablement répondre à ce problème du surmenage du sportif. Or, même si certains travaux se fondent plutôt sur des paramètres biologiques, que d’autres s’appuient sur des critères de performances ou qu’une dernière série sélectionne principalement des données immunologiques, ce qui met un peu d’ordre dans ce grand fouillis, cet inventaire exhaustif montre clairement que cette approche ne nous fait pas beaucoup avancer.

 

L’approche innovatrice imaginée par le physiologiste Belge Meeusen, axée sur la biologie, offre l’avantage d’être plus en phase avec la réalité de terrain du sport de haut niveau, mais n’échappe pas non plus à un certain nombre de biais (voir l’encadré 2). Car là aussi on reste bloqué sur une vision restrictive du problème de l’épuisement ; on le considère comme l’apanage exclusif du sportif alors que, en réalité, il déplie ses ailes bien au-delà de ce champ, constituant la première cause de consultation en médecine générale.



Les principaux signes de surentraînement officiellement répertoriés.

A) Modifications d’ordre émotionnel et comportemental :

 

  • Perte d’enthousiasme et de motivation- apathie générale- attitude « je m’en-foutiste » - perte de la joie de vivre.
  • Perte du plaisir à disputer des compétitions- envie d’abandonner en cours d’épreuve.
  • Léthargie, fatigue, indolence
  • Caractère maussade, tendance à se plaindre, tendance irritable- sensation d’être malheureux- anxiété, tendance dépressive- humeur lugubre- incapacité à se détendre- sensation d’ennui.
  • Incapacité à se concentrer sur le travail- mauvaises performances intellectuelles
  • Troubles du sommeil, notamment tendances insomniaques- sommeil non récupérateur
  • Perte d’appétit- perte de libido
  • Mauvaise coordination- maladresse
  • Prise accrue de boisson dans la nuit- sensation de soif permanente

B) Modifications d’ordre physique :

 

  • Performances physiques altérées, en particulier, incapacités à terminer les séances d’entraînement.
  • Perte de poids progressive
  • Traits tirés, teint cireux, orbites enfoncés
  • Pouls au lever accru de plus de 5 pulsations/mn
  • Elévation anormale du rythme cardiaque lors du passage à la station verticale ou après une séance normale.
  • Retour à la normale du pouls après l’effort beaucoup plus lent- hypotension posturale
  • Sensation de jambes lourdes, mollesse qui persiste plus de 24 h après une séance
  • Douleurs musculaires et articulaires
  • Augmentation des douleurs musculaires de séance en séance.
  • Gonflement des glandes lymphatiques
  • Troubles digestifs, notamment diarrhées
  • Susceptibilité accrue aux infections, aux allergies, aux maux de tête et aux blessures
  • Allongement du délai de guérison des blessures bénignes
  • Elévation du nombre d’éosinophiles
  • Aménorrhée
  • Modifications de l’onde T sur l’électrocardiogramme
  • Forme modérée d’insuffisance hypothalamique, sympathique et surrénalienne.


Le biquotidien à l’épreuve de la fatigue.

 

Spécialiste de la biologie appliquée au contexte du sport de haut niveau, le Pr Meeusen s’est de plus en plus interrogé, au fil des années, sur la pertinence et le sens des marqueurs habituellement employés pour le dépistage du surmenage. A ces yeux, un élément revient très fréquemment dans le contexte du surmenage : l’athlète concerné est paradoxalement capable de débuter une séquence d’entraînement ou une compétition à son rythme normal, mais ne peut pas les terminer convenablement. Or, les sportifs de haut niveau sont dans un rythme d’entraînement biquotidien. De ce fait, il a imaginé de soumettre des volontaires habitués à de telles charges d’entraînement à un protocole approprié à leur contexte : Il leur a été demandé d’effectuer deux efforts progressifs consécutifs à quatre heures d’intervalle. Cela devait lui permettre d’apprécier les capacités de récupération de l’athlète, mais aussi leurs aptitudes à effectuer leur seconde séance quotidienne de manière normale. L’hypothèse était que les athlètes surentraînés rencontreraient des difficultés lors de la seconde session de la journée et que cela se traduirait peut-être par la perturbation de certains paramètres biologiques.

 

Encore fallait-il placer les cyclistes recrutés pour la circonstance dans une situation pouvant favoriser le surentraînement. Or, chez des gens habitués à effectuer deux séances par jour, ce protocole n’est pas susceptible de révéler leur épuisement. Il est trop peu différent de leur contexte d’entraînement habituel. C’est pourquoi le test fut proposé deux fois. D’abord, en phase de reprise, après la coupure. Ensuite, au retour d’un stage d’entraînement durant lequel le kilométrage a été accru de 58%. On comparait les deux situations. Ainsi, le même test était réalisé deux fois, ce qui signifie que chaque coureur effectuait quatre tests à intensité croissante durant l’étude. A chaque fois, les cobayes commençaient à pédaler à une puissance de 80 W. Ils l’augmentaient de 40 W toutes les 3 mn, jusqu’à épuisement. Afin de se placer le plus près possible des conditions normales, ils avaient pris un petit déjeuner normal une heure avant l’effort. Différents paramètres hormonaux furent mesurés, tout comme le temps total de travail, révélateur de leur aptitude du moment. Qu’est-il ressorti de ce travail ? Très clairement, deux groupes pouvaient être identifiés.

  • Le premier était constitué de coureurs visiblement en condition, et peu affectés par l’enchaînement des deux efforts au retour de leur stage. Ils premiers ont enregistré une diminution de leurs performances lors du test de l’après-midi de seulement 3% par rapport à celles du matin.
  • Le second de volontaires qui, à l’inverse des précédents, semblaient émoussés. Ils ont vu leurs résultats chuter de 6%. Meeusen cite même le cas d’un athlète visiblement surentraîné, dont les résultats se sont abaissés de 11%. Sur le plan des paramètres hormonaux, des différences conséquentes étaient également enregistrées. Elles concernaient notamment le cortisol, l’hormone de stress, dont le taux ne montait pas du tout lors du second test… comme si l’organisme ne pouvait pas s’adapter à cet effort supplémentaire. Un autre marqueur, la prolactine, réagit de manière différente entre les deux groupes. Or, son taux est modifié sous l’influence de la libération de certains neurotransmetteurs, notamment la dopamine. En clair, chez les sujets déjà surmenés, l’activité cérébrale en réponse au deuxième effort est différente.

 

Ce travail montre donc deux choses :

a) Si on place des athlètes dans une situation susceptible de provoquer leur épuisement (avec du biquotidien tous les jours par exemple), une partie d’entre eux s’engage dans le surentraînement.

b) De subtiles chutes de performances et des perturbations hormonales apparues après le deuxième effort soulignent précocement le surmenage.

 

Cependant cette étude présente des limites, dans le sens où elle ne concerne vraiment que les athlètes qui s’entraînent deux fois par jour, à condition, bien sûr, de considérer que l’exercice est la seule source de stress rencontrée. Or, on peut fort bien regarder différemment le problème du surmenage. Ainsi, en conclusion à un long symposium consacré à la récupération, et où d’illustres intervenants s’étaient déplacés, un chercheur du CERMA a tiré la conclusion suivante : « Trois contraintes principales semblent concourir pour aboutir à la fatigue : la charge de travail physique, le stress psychologique, les perturbations des rythmes veille-sommeil. En faisant varier la part respective de chacun de ces facteurs on peut obtenir les mêmes résultats. »


EN THEORIE, C’EST DE LA FATIGUE :

 

Biologiquement, la recherche de marqueurs spécifiques de la fatigue a semblé constituer une piste intéressante, dans la mesure où on s’attend, en cas de surmenage, à voir différents paramètres durablement modifiés. L’idée selon laquelle un axe serait plus particulièrement et exclusivement en jeu a cependant continué à prévaloir. De ce fait, ces dernières années, on a vu une école se focaliser sur le rôle de certaines petites glandes du cerveau, comme l’hypothalamus ou l’hypophyse, qui interviennent au carrefour des émotions, des stress (de tous ordres) et des réponses qu’ils suscitent. Ce travail s’est notamment appuyé sur la lecture des modifications des taux sanguins de certains marqueurs, telles que les catécholamines (adrénaline, noradrénaline), des corticoïdes et de la testostérone chez des athlètes en contexte de surentraînement. Mais comme il ne s’agit pas de marqueurs d’une sensibilité absolue, autrement dit de témoins exclusifs du surmenage, les nombreuses études menées sur ce thème ont donné des résultats contradictoires et ininterprétables. En gros, à la lecture d’un bilan sanguin classique- ou même un peu poussé-, on évalue certains paramètres à un instant « t ». Leurs taux ne sont pas forcément représentatifs de ce qui s’est passé un peu plus tôt. Généralement on ne peut quasiment rien en tirer. C’est aussi parce que l’organisme adapte à tout moment ces taux d’hormones en fonction des contraintes, des sollicitations et que des compensations peuvent longtemps masquer un état en train de fatigue en train de s’instaurer. Bref, il faudrait des marqueurs « précliniques », qu’on cherche actuellement à définir pour savoir si, à un instant donné, l’athlète est ou non apte à supporter certaines contraintes liées au sport de compétition.



LA FATIGUE EST UN STRESS CHRONIQUE :

 

Dans ce cadre de réflexion, la perte d’adaptation du sportif à ses charges de travail s’inscrit dans le contexte plus large de l’adaptation au stress, ce qui permet de tenir compte des autres éléments susceptibles d’influer sur sa réponse : émotions, maladies, contraintes professionnelles ou familiales, trajets et voyages par exemple. Le Plus souvent, un athlète est surentraîné, non pas parce qu’il s’entraîne trop, mais parce qu’il en fait trop : travail, voyages, émotions stress, entraînement. Combien, parmi nos lecteurs, appliquent la règle d’une journée sans entrainement ni travail, une fois par semaine ? Combien arrivent à couper une semaine pleine, sans blessure ni autre raison de santé, simplement pour se régénérer ? C’est la grande différence qui distingue un adepte d’un sport co et un ultra. Si on demande au premier de s’abstenir de tOut entraînement pendant sept jours consécutifs, il va se réjouir à l’idée des parties de tarots, des barbecues et des cinés qu’il va (enfin) pouvoir s’offrir. Et il reviendra, au bout d’une semaine, régénéré et prêt à tout casser. Pour appliquer avec succès la même approche à un triathlète il faut scier la selle, planquer les chaussures, et jeter des bacilles de Koch dans la piscine. C’est toute la différence entre implication et dépendance. On voit trop de coureurs dépendants… sans le recul nécessaire qui permet d’évaluer objectivement la fatigue « globale », et pas seulement celle liée aux séances faites à jeun qui, « c’est normal ! », fatiguent un peu. Surtout quand une journée de travail, de transport, de stress et une course contre-la-montre permanente y fait suite.

 

La théorie du stress a été modélisée. Elle comprend trois étapes ; la première constitue l’état d’alerte, c’est celle qui correspond au moment précis où l’agression a lieu. Quelques paramètres s’élèvent alors brutalement. Cet état d’alerte apparaît par exemple quand la porte claque, et qu’on sursaute. La deuxième étape est celle de l’adaptation chronique, où on puise dans ses réserves pour faire face au stress. La porte continue à claquer tout l’après-midi, on n’y fait plus attention. A ce stade-là, bien des paramètres biologiques sont rigoureusement normaux. Mais à un prix énorme ! La dernière étape est celle de l’épuisement ou de la décompensation. A ce moment-là, sans qu’il y ait eu de changement brutal dans le contenu d‘entraînement, l’athlète tombe épuisé. La porte claque une fois de trop : On la défonce à grands coups de latte. Certains paramètres, jusque alors très haut, s’effondrent à leur tour. Suivant l’étape de cette évolution où on se trouve au moment du dosage, la biologie ne pourra pas forcément nous fournir des informations faciles à interpréter. Si on ajoute à ceci le caractère individuel de la réponse à l’exercice, et les difficultés à comparer les résultats d’un sport à l’autre (car tous ne sont pas aussi traumatisants sur le plan musculaire), il devient évident qu’on ne peut pas attendre des scientifiques qu’ils découvrent un profil biologique universel du sportif surentraîné. Certes, nul ne peut nier que l’entraînement intensif représente une forme d’agression extrême et multiforme, qui affecte profondément l’activité des glandes, dont l’activité chute alors. Mais de sérieux doutes existent quant au fait que ces perturbations seraient la cause, plutôt que la conséquence, du surentraînement. De plus, certaines observations fréquemment faites chez des athlètes surentraînés n’entrent pas dans ce cadre. D’autres théories furent donc avancées ces dix dernières années.


QUAND LA FATIGUE SE DEGUISE :

 

D’autres modèles, n’excluant pas celui du stress, ont été progressivement ajoutés pour tenter de rendre compte de la complexité de la situation. Le premier est celui de la « glutamine » : Cette hypothèse place le taux de cet acide aminé au cœur de la problématique du surentraînement. On doit l’essentiel de ses bases théoriques aux travaux menés par le biochimiste et physiologiste britannique Eric Newsholme . La glutamine est une molécule à part. On la qualifie d’acide aminé « semi-essentiel ». Autrement dit, dans certaines situations telles que l’entraînement intensif, la synthèse réalisée dans nos tissus ne suffit plus forcément à en satisfaire les besoins. Or, il a souvent été noté un effondrement de son taux sanguin chez des athlètes fatigués. Pour certains, cette chute expliquerait la fréquente altération des défenses immunitaires et, de là, rendrait l’athlète inapte à tolérer son entraînement. A l’appui de son hypothèse, soulignons l’importante incidence d’infections relevées chez les athlètes surentraînés. De récents et intéressants travaux semblent corroborer cette hypothèse. Mais cela n’explique pas tout ; il est en effet difficile de faire entrer dans ce cadre la fatigue musculaire, les problèmes tendineux ou les troubles de l’humeur.

 

Le second est celui de la sérotonine. Cette molécule, présente dans le cerveau, peut fortement fluctuer dans ce contexte. On la fabrique, dans nos tissus (notamment l’intestin) à partir d’un autre acide aminé essentiel, le « tryptophane ». Sa baisse, qui peut s’observer au cours d’un effort de longue durée ou au repos chez un athlète surmené, peut altérer l’humeur et une modification chronique de son taux pourrait favoriser la survenue d’un état de léthargie caractéristique de l’athlète surmené. Les problèmes de sommeil et les perturbations du comportement alimentaire qui résultent d’une moindre fabrication de la sérotonine se rangent parmi les symptômes souvent associés au surentraînement. Il est donc indéniable que ce mécanisme intervient aussi, mais lui non plus n’explique pas la totalité des signes relevés chez des athlètes visiblement épuisés. On constate donc que les différentes hypothèses sur l’origine de la fatigue, centrale, métabolique ou hormonale, ont toutes des arguments à faire valoir, mais aucune n’offre de paradigme clair de compréhension applicable à toutes les situations d’épuisement rencontrées.


MERCI QUI, MERCI NOAKES !

 

En 2001, le physiologiste Sud-Africain Tim Noakes, a proposé une synthèse des différentes théories de la fatigue, et de là un cadre de réflexion pour la prévention du surentraînement. La fatigue n’est plus vue comme une maladie d’origine incertaine, mais comme une « décision » prise par le cerveau, en réponse à toutes les informations qu’il reçoit en permanence de tous les territoires de notre corps. C’est ce que les physiologistes appellent une « réponse intégrée ». Selon lui, le cerveau est chargé d’enregistrer toutes sortes d’informations en provenance de différents territoires anatomiques. Ces informations circulent par plusieurs canaux : systèmes nerveux, hormonal, immunitaire, effecteurs métaboliques. Si trop d’éléments défavorables surviennent simultanément, la sensation de fatigue qui se manifestera sera alors le mécanisme salvateur déclenché pour obliger l’athlète à réduire son activité. Cette réponse surviendra dans le but de restaurer un état fonctionnel optimal. Evidemment, de son point de vue, ce n’est pas seulement l’entraînement qui cause le «surentraînement » ou plutôt, comme nous le défendons, le surmenage. En effet, le terme même de «surentraînement » sous-entend que l’état d’épuisement observé est la conséquence exclusive d’une mauvaise conduite de la préparation. Or nous penchons davantage pour l’intervention simultanée de différents facteurs, dans ce qu’on a appelé l’entraînement « invisible », stress, infection, inflammation, manque de sommeil, carence nutritionnelle et micronutritionnelle, désynchronisation des rythmes biologiques, conduisent à un état de « désadaptation », affectant à la fois les performances et le quotidien de ceux qu’il frappe. C’est la prise en charge de chacun de ces éléments causaux qui, à terme, peut seul aider le sportif à refaire progressivement surface, ceci en association avec un aménagement personnalisé des charges de travail.



LES 10 ERREURS à COMMETTRE :

On comprend donc que le mot « surentraînement » n’est pas le plus juste dans ce contexte. Parlons plutôt de « désadaptation ». S’il est impossible de trouver une frontière, commune à tous les coureurs, qui signe la zone au-delà de laquelle on entre en turbulences, on peut par contre décrire un certain nombre de choix qui, en fonction de nos vulnérabilités, de notre histoire, de notre alimentation, de notre capital génétique, vont nous faire plonger. Assez de théorie, voyons concrètement ce qu’il faut faire pour être « surentraîné »…

1°) TOUJOURS PARTIR SANS BOIRE :

 

Ce n’est pas un scoop, ce conseil a maintes fois été répété. Mais les choses ne changent pas pour autant. Résidant à proximité du littoral, très fréquenté des joggers en juillet et en août, j’ai eu l’occasion de faire une rapide estimation à plusieurs reprises. Sur dix coureurs croisés le long du rivage en train de s’entraîner, neuf partent sans la moindre boisson sur eux. Et ce à toute heure de la journée. La négligence, l’impression que sur moins d’une heure çà ne sert à rien, les images fugaces laissées dans les médias par des coureurs qu’on ne voit pas boire, toutes ces explications sont plausibles. Cette sobriété monacale est bien sûr un contexte très défavorable. Favorisant les perturbations cellulaires, altérant le bon déroulement de la récupération, affectant la fluidité et la souplesse des articulations et des tendons, cette mauvaise habitude contribue clairement à majorer le risque de blessure et surtout celles qui peuvent vous mettre sur le flanc définitivement. De plus, l’absence de boissons en crus d’effort majore le risque d’infection (aigües ou récurrentes) et l’utilisation des acides aminés comme carburant, ce qui a des répercussions sur le cerveau, l’intestin, nos globules blancs, nos muscles… c’est-à-dire sur tous les acteurs de la fatigue.

2°) NE PAS COUPER :

 

Alors que la plupart savent que c’est un précieux conseil, beaucoup de coureurs rechignent à ranger leurs running plus d’une semaine de rang. Ils arguent souvent qu’ils se « sentent bien » et n’éprouvent pas le besoin de souffler. Or, se sentir bien et être bien sont deux situations différentes. On peut être apaisé et détendu, mais cassé et fourbu. L’un n’empêche pas l’autre, mais l’état physiologique qui s’ensuit n’a rien de comparable ! La coupure annuelle ou biannuelle se prépare, se planifie, comme les objectifs de la saison. Le repos constitue l’antidote aux effets de l’entraînement ; ceux qui attendent d’être malades, épuisés, blessés, ou sermonnés par leur médecin pour interrompre leur saison, ou ceux qui enchaînent petits et grands trails douze mois sur douze, ne font en général (sauf de rares exceptions qui confirment cette règle !) pas de vieux os dans le peloton.


3°) COURIR PAR « OBLIGATION » :

 

Lorsqu’en début d’année vous titille l’envie de vous aligner au départ d’un trail printanier, vous êtes en général animé d’une détermination à tout casser. Finies les sorties occasionnelles effectuées au feeling. Vous entrez de plain-pied dans une préparation aboutie, où chaque séance est programmée de manière mathématique un jour donné, et rarement le lendemain ou le surlendemain. Le respect maximal de ce protocole crée des contraintes. Car il faut composer avec des imprévus, des difficultés, de la fatigue. Peu à peu, la motivation prend largement le pas sur l’envie, et vous finissez par aller courir par obligation, pour « bien faire » et non plus pour vous « faire du bien ». Dans ce contexte, évidemment, on refuse de s’écouter et on avance coûte que coûte. Or, les physiologistes savent que le mental et le physique sont intimement liés, davantage encore lorsque le stress est parti prenant. Ici, en l’occurrence, il réside dans le souci de réussir ou de conduire à bien un programme astreignant. Aussi, il paraît clair que ce qui est vécu sans plaisir ne laisse pas la même empreinte que ce qui se déroule dans la sérénité. C’est un peu comme avec les souvenirs : Avec le temps on retient surtout les bons et on atténue les mauvais. Un exemple de cette manière de fonctionner nous est fourni par le passage de quatre à cinq séances, ou de trois à quatre, en tout cas par l’ajout d’une sortie hebdomadaire. Le plus souvent, elle se résume à l’introduction d’un footing supplémentaire qui peut, selon les contextes de vie, amener à empiéter sur la récupération. Il ne va pas toujours de soi que d’augmenter la fréquence des sorties (même si dans l’absolu, c’est démontré), va obligatoirement faire progresser.

Dans le même ordre d’idée, lorsque la fatigue est pesante, ce sont d’abord l’humeur et la motivation qui en pâtissent. Ceci signifie que si, plusieurs jours de suite, vous sortez à contre-cœur, il est préférable de s’accorder deux jours complets de repos, même s’ils n’étaient pas initialement prévus. Vous pouvez même doubler l’arrêt, cette mini-coupure le vous faisant perdre aucune qualité physiologique. Au contraire !

4°) ENCHAÎNER LES COMPETITIONS :

 

Certains construisent leur saison athlétique comme celle d’un cycliste, avec un maximum de compétitions. D’aucuns arguent alors que certaines servent de course d’entraînement. Ne parlons même pas des enchaînements UTMB- Diagonale des Fous, auxquels on survit toujours, certes, mais dont ne revient jamais complètement le même. En admettant qu’effectivement on puisse envisager qu’une compétition « mineure » puisse servir de tremplin à un véritable objectif, il faudrait pour cela que la gestion de l’effort soit optimale. Hydratation idéale, allègement de l’entraînement préalable, aménagement d’une plage de repos approprié derrière. Mais cela ne suffit pas. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord le contexte. Le lever souvent matinal imposé par le respect des trois heures, le trajet parfois assez long à effectuer jusqu’au lieu de départ, le délai avant la mise en jeu de la récupération passive, sont autant d’éléments nuisibles. Pour résumer, dès qu’on enfile un dossard, on n’est plus à l’entraînement. L’impact physiologique réel d’un effort donné, effectué dans ce contexte, diffère toujours de celui occasionné par un entraînement.


5°) NE PAS ADAPTER SON PROGRAMME :

 

Les plans proposés dans les magazines ou mis au point dans les clubs ne tiennent pas toujours compte des contraintes extérieures. En général, le positionnement des séances et leur contenu sont pensés exclusivement par rapport aux effets recherchés pour le jour « J ». Je vais prendre un exemple pour faire comprendre les écueils que cette façon de faire amène à rencontrer ; préparant une importante compétition de VTT, une de mes patientes a suivi un cycle de capacité anaérobie lactique, étalé sur trois semaines, avec une séance tous les cinq jours consacrée à ce travail. De telles sorties, très intenses, imposent de respecter scrupuleusement un délai minimal de trois heures entre le repas qui précède et le « corps » de la séance, c’est-à-dire la section la plus intense. Mais ce faisant, on se trouve confronté à une autre difficulté : celle de devoir composer avec la température extérieure élevée. Or, lors d’un effort supérieur à la VMA, le corps produit une très grande quantité de chaleur, et ce dans un délai très bref. Cette production peut tout à fait excéder les aptitudes de l’organisme à s’en débarrasser, et ce malgré une sudation profuse. Dans ce contexte, on peut suer énormément et voir la température corporelle s’élever et flirter dangereusement avec les 40°C. L’impact sur l’organisme de cette série de séances « violentes » sera double, thermique et métabolique. Et supérieure, évidemment, à celui qu’on observerait dans un contexte « tempéré ». Pour cette raison, le délai ici jugé suffisant entre deux sessions de « CAL », c’est-à-dire 5 jours, ne permet plus forcément de récupérer de manière optimale. Chez notre cycliste, la fatigue allait ainsi croissant au fur et à mesure qu’elle avançait dans ce cycle. L’humeur maussade, les douleurs musculaires permanentes, les troubles du sommeil en témoignaient. Au final, elle a subi un coup de chaleur au cours d’une sortie et, pour ne pas connaître de baisse chronique de ses aptitudes, a dû adapter son programme. Elle a commencé par couper trois jours. Puis il lui a été demandé de se lever plus tôt lors des deux dernières séances (vers 5 h 30) de façon à commencer à rouler vers 8 h, ce qui permet d’éviter le pic de chaleur et donc de limiter le risque d’hyperthermie. Mais ce choix a impliqué de diminuer les charges de travail par ailleurs (car on a empiété sur le sommeil), de proposer des siestes, et d’espacer d’une journée supplémentaire deux séances consécutives de « CAL ». Enfin, on a écourté toutes les sorties intermédiaires, en lui demandant de privilégier les parcours ombragés. En outre, la dernière séance de CAL fut purement et simplement annulée avec l’accord de son préparateur.

Cet exemple vise à vous faire comprendre que la réponse de l’athlète est un compromis subtil entre les effets favorables et défavorables de l’entraînement, auxquels s’ajoutent les stress de l’entraînement « invisible ».

6°) COURIR SUR DU STRESS :

 

On n’arrive jamais vierge de ses émotions à l’entraînement. Certaines, loin d’être anodines, génèrent des tensions, qui peuvent par exemple s’exercer au niveau des muscles ou des tendons. Considérant, à tort, que sa vie est très compartimentée, avec la famille d’un côté, le travail d’un autre, et la course par ailleurs, beaucoup d’athlètes abordent de manière scrupuleusement identique chacune des séances qu’ils effectuent, y compris s’ils se sont « pris la tête » toute la journée. Et par exemple, loin de se donner un espace de liberté où ils vont courir à leur gré et suivant leur fantaisie, ils vont ajouter le stress du chrono, de la pression, de l’objectif à assurer. Or l’équation est simple : tension + tension = souvent rupture ! Fort bien, mais que faire ? Doit-on se cantonner au footing à chaque fois qu’on a un souci ou introduire le yoga à la place du seuil ? Evidemment non. Mais on ne peut pas non plus foncer tête baissée sur les obstacles jusqu’à ce qu’on en rencontre un qui soit plus dur que nous.


7°) NE PAS VARIER LES ACTIVITES :

 

Le recul acquis dans le domaine de la préparation, les connaissances nouvelles en ce qui concerne « l’entraînement croisé », et enfin le vieillissement avéré du peloton ont singulièrement modifié la donne. Il est aujourd’hui admis que l’introduction plus ou moins régulière d’activités de substitution peut prolonger la carrière de coureur d’ultra, sans pour autant affecter de manière significative ses performances. Ceci, bien sûr, sera d’autant plus vrai que nous n’avons pas affaire à un athlète préparant les J.O. Concrètement, il paraît de plus en plus judicieux, dans une logique de prévention, de substituer régulièrement un ou plusieurs footings, voire des sorties longues, par du vélo, du home-trainer (même si certains rechignent à suer en salle), de la marche avec bâtons ou de la rando. De surcroît le ski de fond, la natation, le roller, la marche s’intègreront avec bonheur à votre entraînement. L’éditorialiste américain Owen Anderson, qui écrit beaucoup sur l’entraînement Outre-Atlantique, propose une règle simple : Après 40 ans, une séance par semaine se fera dans une autre discipline. Après 50 ans, ce sera deux fois par semaine. Un travail paru en mars 2009 le confirme. Les cyclistes adeptes d épreuves de grand endurance (comme Paris- Brest- Paris) détruisent beaucoup moins de muscle et perdent moins de masse maigre que les adeptes de l ultra running. Uniquement sous l effet de l absence d onde de choc, et de l existence dune moindre inflammation chez eux (KNECHTLE B, WIRTH A & Coll (2009) : Int.J.Sports Med., 30 (3) : 163-7.)

8°) FAIRE DES BLOCS TROP RAPPROCHES :

 

Si l’âge moyen du coureur à pied le range dans la catégorie quadra-quinca, il correspond aussi à la période de la vie où l’activité professionnelle et la vie familiale atteignent souvent leur apogée. Le souci de concilier tous ces registres oblige parfois à composer avec les programmations. Par ailleurs, certains physiologistes qui abordent la course par l’autre angle, c’est-à-dire non pas celui de l’ajustement à la vraie vie mais celui de l’organisation optimale de la planification, se sont intéressés aux processus pouvant contribuer à assurer des adaptations. Le problème posé, notamment au plus haut niveau, est en effet le suivant ; plus on s’entraîne, plus on a progressé, et plus il est difficile de trouver des moyens de faire encore reculer ses limites. On doit donc chercher à déstabiliser l’organisme de manière de plus en plus forte pour espérer obtenir une réponse. C’est ce qui a conduit certains auteurs à tester des enchaînements à risque, VMA puis seuil le lendemain, ou deux séances longues consécutives, ou encore du biquotidien sur de courtes périodes. Reproduisant, en quelque sorte à notre échelle le cadre extrêmement qualitatif de l’entraînement des athlètes de l’Est de l’Afrique. Evidemment, les bénéfices théoriques à en attendre sont importants. A la mesure des risques de blessure encourus. Certes, cette manière de travailler place dans un contexte de récupération incomplète, qui accroît, chez des coureurs fragiles, le risque de se blesser. De plus, ce qui est vrai pour un athlète de 25- 30 ans (souvent sujet de ces études) dans la force de l’âge ne l’est sûrement plus pour tel autre qui a dépassé les 40 ans. La récupération est obligatoirement plus compliquée chez celui-ci. Ce qui m’amène à ceci. Vous n’êtes pas un rat de laboratoire. « Celui qui s’entraîne le plus, est toujours celui qui s’entraîne de trop ! »


9°) NEGLIGER LA SOUPLESSE :

 

La relation entre étirements et blessure est ambiguë ; on l’a déjà mentionné dans ces colonnes, certains travaux indiquent que le risque de blessure diminue lorsqu’on pratique régulièrement les étirements. D’autres montrent exactement le contraire, ce qui paraît paradoxal. L’explication tient sans doute au fait qu’on ne parle pas forcément de la même chose en employant le même terme, que certaines formes d’exercices exercent des tensions sur des muscles fatigués, et qui sont donc susceptibles de les fragiliser. Le fait de les pratiquer occasionnellement, avant ou après l’effort, de les avoir toujours pratiqués ou d’avoir au contraire commencé tardivement sont des paramètres qui comptent aussi. Cela étant, il est certains que le relâchement musculaire, l’apaisement des tensions diminuent le risque de lésion. L’introduction régulière d’exercices appropriés sur un muscle chaud, mais pas en condition d’épuisement, est donc recommandée. Certes, mais quel est le lien entre la blessure et le surmenage dont on parle ici ? Il est admis que la blessure survient plus aisément sur un organisme fatigué. Et le temps consacré à cette « détente » vient en contrepoint à un planning toujours surbooké… et porté sur l adrénaline. Cela permet de basculer vers un contexte plus zen, comme le yoga ou la méditation, utiles elles aussi au maintien de cet équilibre subtil ; C est une affaire d équilibre.

10°) NEGLIGER LA FORCE :

 

Une récente étude parue en janvier dernier a passé au crible les caractéristiques physiologiques des meilleurs trailers américains. Avec une surprise au final. Autant sur route, il faut être léger pour entrer dans le top 10 des marathoniens, autant sur les courses nature, où le profil nécessite d’avoir des cuisses, des épaules, voire des bras, on rencontre des coureurs victorieux possédant des gabarits beaucoup plus lourds. Parfois, pour une même taille, le coureur de trail affiche 10 kg de plus, pour la même masse grasse. Cette particularité, exclusive à l’ultra, montre que les qualités de force doivent faire l’objet d’un développement et d’un entretien spécifique, non pas par un travail qui s’ajoute à la course, mais comme axe d’entraînement à part entière dans un volume horaire inchangé. Outre l’amélioration de la force (utile quand on pousse sur les bâtons dans un pierrier ou qu’on dévale une pente en se servant des cuisses comme de pistons ou d’amortisseurs), cette forme d’exercice aide à acquérir le maintien d’une posture appropriée, et participe à la prévention de la « sarcopénie », c’est-à-dire de la fonte musculaire qui survient de manière plus ou moins brutale avec l’âge. Après 60 ans, cette décrépitude participe de manière très explicite à ce qu’on nomme le « syndrome de fragilité », où on relève une importante fonte musculaire. Mais avant cela, les coureurs qui perdent du poids tout au long de la saison sont déjà engagés sur la pente savonneuse du surentraînement.

Et au lieu d’un footing de trop, une séance de force bien conduite sera un précieux atout. On s’y met ?



Denis Riché, pour “Endurance” -  2009

Photos : MCC


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