Entretien réalisé par Brigitte Karleskind rédactrice en chef de Nature Sciences Santé
Brigitte Karleskind : La reprise d’une activité physique, voire sportive, après être resté sédentaire pendant de longues années va-t-elle provoquer un déséquilibre au niveau du statut antioxydant, au moins au début ?
Denis Riché : Je ne pense pas. Depuis une dizaine d’années, je regarde de près les marqueurs du stress oxydant chez les sportifs et, en particulier, dans un modèle représentatif, celui des sportifs de haut niveau.
L’idée préalable était que, parce qu’ils s’entraînent beaucoup, les sportifs consomment plus d’oxygène et risquent donc de produire plus de radicaux libres. Les tenants de cette idée sont des épidémiologistes peu sportifs. Les épidémiologistes sportifs, eux, observent que, sous l’effet d’une production de radicaux libres plus importante, des phénomènes d’induction, donc d’épigenèse, surviennent. Ils se traduisent, quand tout se passe bien, par une augmentation du nombre et de l’activité des enzymes antioxydantes. Et, si l’on fait, par exemple, des biopsies musculaires chez des sujets entraînés, on observe que, par gramme de tissu, une plus grande quantité de molécules radicalaires est dégradée.
Le taux d’anticorps anti-LDL oxydées est un marqueur très représentatif d’un niveau d’équilibre du stress oxydant au long court. Lorsque l’on utilise ce marqueur chez des sportifs de haut niveau qui ont interrompu, de façon programmée, leur activité depuis deux, trois ou quatre semaines, on constate, chez 20 % d’entre eux, un stress oxydant significativement plus élevé et supérieur aux normes définies par rapport à des populations saines. Initialement, rien ne les différencie des autres. Ni leur niveau d’activité, ni leurs habitudes alimentaires. C’est donc qu’il existait des causes inconnues ou cachées susceptibles de contribuer à ce que, chez ces individus, l’activité physique révèle ou aggrave un phénomène oxydatif.
Au fil des recoupements que j’ai pu faire entre la bibliographie, le suivi des dossiers et ce que j’ai pu voir en dehors du champ de la nutrition du sport sur des pathologies chroniques, il est apparu que, chez un individu qui a une activité physique régulière, le seul élément qui majore le stress oxydant,est la présence d’une activation immunitaire chronique. Cela peut vouloir dire qu’un problème immunitaire latent sous-jacent flambe sous l’effet conjugué de l’activité, du stress et de besoins qui ne sont plus satisfaits en raison d’une majoration des pertes de certains éléments cruciaux comme le zinc. Une autre explication est que l’activité exerce potentiellement un effet délétère sur certains aspects de notre immunité. C’est ce que je défends aujourd’hui dans les congrès et le modèle du sportif de haut niveau nous permet de comprendre comment rendre malade quelqu’un, initialement en bonne santé.
BK : C’est pour cela que je posais la question du début de la reprise d’activité physique
DR : C’est un modèle. Si une personne présente de gros problèmes de santé perturbateurs du système immunitaire, le peu d’activité qu’elle va reprendre peut susciter un stress oxydant plus important que celui qui sera observé chez un sportif de haut niveau sans problème immunitaire. Ce n’est pas la quantité d’activité qui fait le stress oxydant, c’est le terrain sur lequel cette activité va être mise en œuvre.
BK : Reprendre une activité physique n’est donc pas si simple.
DR : Non et cela va justifier que l’on fasse tout un accompagnement, en particulier, sur l’immunomodulation. J’ai également observé que si l’on constate un stress oxydant chez un sportif ou un non sportif, qu’on lui apporte des antioxydants sans travailler sur les causes, le niveau de stress ne régresse pas. Quand on observe un taux d’anticorps anti LDL oxydées supérieur à la normale chez un sportif, c’est vraisemblablement l’indicateur d’infection froide ou d’une perturbation immunitaire chronique.
BK : Ce n’est donc pas aussi facile qu’il y parait, de reprendre, seul, une activité physique.
DR : Non, ce n’est pas simple et à fortiori quand c’est une recommandation de reprise d’activité chez une personne qui, justement, est en convalescence, en récupération d’une pathologie cardiaque ou autre. Ces observations ont élargi ma réflexion. Finalement, un grand nombre de pathologies chroniques sont associées au stress oxydant. On observe celui-ci, sans se poser la question de savoir d’où il provient ni essayer de le comprendre.
Des études sur le microbiote parlent, aujourd’hui, de dysbiose, qui est un terme générique, de maladies dégénératives ou de stress oxydant. Mais derrière tout cela, dans ce contexte de dysbiose, c’est le « logiciel » immunitaire qui ne se met pas bien en place. Et ce contexte de dysbiose peut, lui-même, être favorisé par une activité physique. Et du coup, dans toutes les situations où on observe un stress oxydant chronique, ce n’est pas ce dernier qui fait la pathologie. Mais il témoigne certainement des mécanismes qui ont conduit à son installation.
Le modèle du sportif de haut niveau, nous a donc en quelque sorte aussi permis de comprendre que derrière l’Alzheimer, le Parkinson et beaucoup d’autres pathologies mettant en œuvre un stress oxydant chronique, il existe un problème immunitaire sous-jacent.





BK : Mais on dit actuellement qu’une activité physique régulière et modérée accroît l’efficacité du système immunitaire et qu’une activité physique intense le perturbe.
DR : Cette remarque amène deux nuances. On dirait un résumé synthétique de travaux, essentiellement, de David Nieman, un physiologiste américain et un immunologiste de renom qui décrit de manière un peu schématique la relation entre le niveau d’immunité et celui d’activité. Il parlait de quantité, plus que d’intensité, en lien avec le risque d’épisodes infectieux. Il utilisait une courbe en J qui indiquait que, si on ne fait pas de sport, on a plus de risque de tomber malade que si on en fait de manière modérée et que l’on a beaucoup plus de risque de tomber malade si on a trop d’activité par rapport à ceux qui ont une activité modérée. Ce qui amène à se poser la deuxième question : où commence ce trop. Et, comme aurait dit Coluche, il commence chez celui qui en fait plus que moi. Les sportifs raisonnent un peu comme cela.
Or ce n’est pas une question de quantité ni d’intensité mais de réponse biologique. On sait, aujourd’hui, qu’un stress oxydatif « physiologique » est nécessaire aux adaptations qui surviennent en réponse à l’activité. Et cela, au niveau de la mitochondrie comme à celui d’autres éléments cellulaires. La libération régulière de molécules radicalaires, pendant l’activité, favorise des phénomènes épigénétiques avec tout un tas de facteurs nucléaires.
Globalement, l’organisme entend le message que des quantités accrues de radicaux libres se sont formées. Cela lui indique qu’il y a une activité plus importante et il déclenche des réactions en cascade pour rendre plus apte à supporter cette sollicitation la fois prochaine. Ces réactions concernent aussi bien les processus énergétiques, que les processus structurels. Sous l’effet du stress oxydant, de multiples processus protéiques ou enzymatiques vont indirectement ou directement être favorisés. Il y a un problème, lorsque la neutralisation de ces molécules ne peut plus se faire de manière optimale. Les causes peuvent être multiples et incluent l’exposition à l’altitude, le tabagisme, les problèmes infectieux…ou, encore le fait que les molécules qui participent aux défenses antioxydantes ne sont plus là ou en quantité insuffisante.
Revenons sur le système d’adaptation. Je disais tout à l’heure que si l’on fait des biopsies, comprenez des carottes de tissu musculaire, chez un sportif qui répond correctement à l’activité, on observe une plus grande quantité d’enzymes antioxydantes par gramme de tissu. Cela se traduira par une efficacité plus marquée seulement si les cofacteurs sont présents. Par ailleurs, l’activité du système antioxydant augmente également les besoins en micronutriments spécifiques. Et ce sont souvent ceux dont les apports sont de plus en plus difficiles à assurer, comme le sélénium en raison de l’appauvrissement des sols. D’autre part, sous l’effet de l’exercice, il y a aussi des phénomènes de perte accrue, comme la perte sudorale du zinc. Au final, le niveau de sollicitation auquel l’individu est soumis provoque un stress oxydant qui ne peut plus être correctement géré. D’un phénomène adaptatif on bascule alors dans un phénomène désadaptatif. Cette bascule est indépendante du niveau d’activité et est en partie liée à l’état de santé.
Cela justifie, que chez des sujets souhaitant améliorer leur état de santé en reprenant une activité physique, il y ait un accompagnement individualisé. Celui-ci devrait prendre en compte leur état de santé préalable et les contraintes qu’il peut imposer.
Malheureusement, le monde de la santé comme celui des préparateurs physiques n’ont pas cette réflexion. Ils raisonnent tous par rapport aux modalités et aux quantités d’activité. Ils ne prennent pas en considération le fait que ce qui se produit dans l’organisme est largement influencé par ce que l’on appelle le terrain.
Chez les sportifs de haut niveau, nous avons un certain nombre de marqueurs qui nous renseignent sur l’état de l’individu. Nous sommes ainsi capables, aujourd’hui, d’ajuster les programmes d’entrainement sur la base de perturbations biologiques que l’on a identifiées.
BK : Quels sont les marqueurs que vous utilisez ?
RD : Je vous ai cité les anticorps anti LDL oxydées. Nous avons également des marqueurs de déficits micro-nutritionnels, des marqueurs en lien avec l’hyperperméabilité intestinale, avec la dysbiose, avec certains épisodes infectieux, la CoQ10 … donc des marqueurs très spécifiques. Mais tout cela fait partie d’une modélisation globale et est également applicable à des gens qui ont une activité modérée ou qui sont en reprise d’activité.
Dans le cadre du diabète ou du syndrome polymétabolique on se focalisait sur le problème de l’insuline. Des travaux soulignent l’importance du rôle de la diversité des familles bactériennes du microbiote. La question s’est ainsi posée de savoir si des modalités d’exercice pouvaient améliorer la réponse à l’insuline en jouant sur certains récepteurs. On sait clairement aujourd’hui quels modèles d’activité physique sont efficaces. On sait aussi que certains modèles, par leur impact sur la muqueuse intestinale, peuvent favoriser le passage des endotoxines.
A la fin des années 1980, Noakes, un physiologiste sud-africain de l’exercice a décrit le rôle des endotoxines chez les coureurs de grand fond. Il leur attribue la responsabilité de problèmes inflammatoires, d’insuffisance rénale … C’est l’une des conséquences des phénomènes d’ischémie reperfusion qui touchent ces athlètes dans des conditions extrêmes de déshydratation et de contraintes thermiques. Plus récemment, des chercheurs comme Patrice Cani et Nathalie Delzenne ont souligné la responsabilité des endotoxines dans l’aggravation des phénomènes d’insulino-résistance.
Tout cela veut dire, que lorsqu’un patient présentant une insulino-résistance veut reprendre une activité d’endurance, il faut s’intéresser aux apports nutritionnels qui vont éviter le phénomène d’ischémie reperfusion. Faute de quoi, on risque d’aggraver l’insulino-résistance en pensant lui faire du bien.





BK : Comment aider une personne présentant une insulino-résistance à reprendre une activité physique ?
DR : Il faut bien sûr faire faire un bilan biologique complet. Mais en dehors de cela, un patient qui présente une insulino-résistance doit avoir, un apport énergétique au cours de son activité dès qu’elle dépasse une demi-heure.
Et là, on met en exergue un grand malentendu. On dit souvent que si une personne a un problème d’insuline, le sucre en fait monter le niveau et fait grossir. On oublie une chose. Au cours de l’activité, l’insuline n’est plus une hormone avec une action significative. Elle est surpassée par les hormones qui mobilisent les réserves, cortisol et autres. Et surtout, à l’effort, les récepteurs du GLUT 4 vont être beaucoup plus habiles, dans les muscles comme dans tous les autres tissus, à capter le glucose. Prendre des glucides au cours de l’effort ne fait absolument pas monter l’insuline, ni grossir. Par contre, cela limite le phénomène d’hyperperméabilité intestinale et a donc un effet bénéfique.
D’autres types de reprises d’activité peuvent être néfastes. Par exemple, les gens qui veulent reprendre le sport et sont dans une espèce de logique d’expiation du flagrant délit de sédentarité. En général, ils ne font pas les choses à moitié. Ils prennent un abonnement en salle et vont faire du CrossFit. Ils sont dans l’essoufflement permanent et dans l’impossibilité de récupérer. Cette activité va en fait améliorer leur aptitude à utiliser les sucres à l’effort et leur ouvrir l’appétit. Ils n’apprendront absolument à leur corps à brûler les graisses.
L’intensité de l’activité doit être modérée, de façon à créer un apprentissage métabolique. Souvent, à propos d’activités, on parle de dépenses caloriques. On pense que si l’on court une heure, on dépense tant de calories, donc on va perdre du poids. Et ce n’est pas là-dessus que l’avantage de l’activité est le plus important.
Comparons ce qui se passe au repos chez un sujet sédentaire et un sujet sportif. Quelqu’un qui fait deux heures de sport par jour, est sédentaire 22 heures par jour. Durant cette sédentarité, son métabolisme est radicalement différent de celui d’un sujet totalement sédentaire. Il va notamment avoir une lipolyse et une capacité de mobiliser ses réserves accrues. A partir de ces observations, des scientifiques se sont demandé quelles modalités d’activité pouvaient créer cet apprentissage. Ils les ont définies précisément : elles correspondent à trois fois une demi-heure par semaine d’une activité comme la marche pendant laquelle on peut parler mais pas chanter. Et cela crée un bénéfice indéniable.
BK : Revenons au professionnel de santé quel qu’il soit qui prescrit une activité physique, à son patient. Que va-t-il intégrer dans le bilan de santé préalable à cette reprise ?
DR : Le bilan biologique doit très complet. Il intégrera les éléments propres aux antécédents médicaux du patient, des éléments pour savoir où il en est au niveau de l’inflammation, du stress oxydant, de certains déficits dont on doit s’assurer de l’absence comme le fer, le sélénium, etc. Et, surtout, vérifier que les défenses immunitaires et le statut antioxydant sont corrects.
Chez des sujets, par exemple, qui reprennent une activité régulière avec un début de leucopénie, il faut surtout leurs apporter des nutriments qui permettent de relancer l’immunité cellulaire. Entre les probiotiques et la phytothérapie, il y a les moyens d’action.
BK : Trouver un professionnel de santé près de chez soi et pouvoir lui parler de statut antioxydant et autres n’est pas forcément simple
DR : la volonté politique est de pousser l’activité et de la rembourser. Dans le même temps, il y a une méconnaissance des modalités de l’exercice, même dans le corps médical. Certains pensent encore notamment que c’est l’acide lactique qui donne des crampes. Des gens qui n’ont pas la compétence de prescrire et d’accompagner l’activité physique ont maintenant la possibilité et l’autorité de le faire. Et, à mon sens, c’est un authentique scandale et on joue avec la santé des gens.
Certaines modalités toutes simples d’accompagnement ne sont pas parfaitement comprises. On ne peut pas, par exemple, demander à une personne prédiabétique de manger plus de pâtes parce qu’elle refait du vélo trois fois par semaine. On ne peut pas appliquer aux gens qui ont des problèmes de santé mineurs ou plus importants des modèles de recommandation alimentaires qui sont appliqués sur des sportifs en bonne santé.
Les manques dans l’expertise de l’accompagnement du sportif ou de la personne qui reprend l’activité sont réels. Et c’est pour cela que j’ai développé un enseignement universitaire pour essayer de remettre à niveau toutes ces bases dont on a besoin pour être efficace.
BK : Quels conseils donner sur le plan alimentaire et micro-nutritionnel à quelqu’un qui reprend une activité physique ?
DR : On ne peut donner un conseil individualisé que si l’on a fait un état préalable des lieux, des habitudes alimentaires et que l’on sait si elles sont bénéfiques à son activité ou si au contraire l’activité risque d’aggraver la situation.
Il ne faut pas hésiter à faire un véritable état des lieux de l’alimentation mais, aussi, le questionnement sur le sens de la manière de manger. L’approche de l’acte alimentaire est beaucoup trop rationnelle. Beaucoup de thérapeutes pensent qu’il suffit de dire aux gens qui mangent mal que ce qu’ils font n’est pas bien pour qu’ils changent. Mais l’essentiel du déterminisme du comportement se joue à des niveaux beaucoup plus archaïques du cerveau.
Même des sportifs de haut niveau, très déterminés dans leur manière de s’entraîner, peuvent être incapables de suivre des recommandations structurées à cause de modalités liées au stress, à l’anxiété… qui vont influer sur leurs choix alimentaires. L’initiation d’une activité physique constitue une bonne occasion pour faire l’apprentissage d’un acte alimentaire directement en lien avec les besoins de l’organisme. A partir du moment où vous commencez à apprécier dans quelle mesure votre manière de manger améliore votre santé, votre état de forme, ou pas, vous avez un levier qui va vous permettre d’introduire le changement.
Et entre ce que doit manger un sportif et un non sportif, il n’y a pas tellement de différence. Beaucoup de sportifs de haut niveau mangent bio, sélectionnent leurs aliments en circuits courts, etc. Pour un nutritionniste, l’aliment est une source de nutriments. Or, un aliment, c’est effectivement une source de nutriments mais c’est aussi un potentiel antigène voire un vecteur de polluants. Quand vous mangez du poisson, vous avalez des oméga-3 mais, en même temps, du mercure et vous pouvez aussi faire une allergie. En tant que thérapeute, notre démarche tient compte de ces trois aspects : travailler sur la traçabilité, sur les circuits courts, faire attention à cette notion de toxicité éventuelle. On ne peut plus aujourd’hui simplement dire aux gens mangez des glucides, mangez des légumes, etc. on doit aller beaucoup plus loin.
Selon la provenance des aliments, quand vous amenez du fer en mangeant de la viande, vous avalez peut-être des polluants, des hormones. L’idée même de catégoriser les aliments en viande, poisson, lait… alors qu’il y a de telles différences entre du fromage de brebis bio qui vient d’Auvergne et du lait de Hollande de vaches élevées aux antibiotiques, n’est plus possible. Et la meilleure manière de garantir un bon état de santé à une personne qui fait de l’activité physique, avant même de lui dire comment répartir les macronutriments, est qu’elle mette des aliments sains dans son assiette.
BK : Trouver du poisson sans mercure n’est pas toujours évident !
DR : La quantité minimale ou optimale à consommer est bien définie. Lorsque l’on recommande du poisson deux ou trois fois par semaine, ce sont plutôt de petits poissons, au début de la chaîne alimentaire. Cela ne veut certainement pas dire manger des sushis six fois par semaine. Parce qu’il y a des oméga-3 dans les sushis et que manger cru est une mode, on voit des gens en manger en quantités à longueur de semaine pensant que c’est bon pour leur santé.





BK : Et pour en revenir à l’accompagnement de la reprise d’une activité physique
DR : Il faut plutôt encourager la mise en œuvre d’une méthodologie de réflexion. Je reçois quelqu’un, je dois évaluer son état initial, sa façon de manger, connaitre les événements qu’il a vécus, savoir pourquoi il veut faire une activité physique. J’ai besoin de son état biologique, immunitaire, inflammatoire, de déterminer les marqueurs qui sont pertinents et peuvent me renseigner.
A côté de cela, j’essaie de travailler sur les modes mentaux qui accompagnent ses choix alimentaires et si j’identifie des changements que j’aimerais lui faire mettre en place, j’essaie de les lui faire formuler pour que, quelque part, il se les approprie pour les mette en œuvre. C’est assez complexe. Il faut revenir à la définition même de la nutrition. Dans son ouvrage « Nutrition », en 1976, le Pr Trémolières, écrit : La nutrition est la science qui s’intéresse aux rôles énergétiques des aliments, à l’impact fonctionnel des molécules qui les composent et aux stratégies de comportement alimentaire. Or, on a complètement oublié les deux derniers aspects pendant des années, notamment dans le domaine du sport, pour ne s’intéresser qu’aux macronutriments.
Aujourd’hui encore, on débat, des besoins énergétiques, de la dépense calorique. Au mois de juillet, pendant le tour de France, à la télé, on se demande combien de calories un coureur dépense sur une étape. C’est complètement dépassé et cela n’a pas de sens. Il faut être capable de modéliser une réflexion, un accompagnement qui permettent à l’individu de respecter les objectifs et les perspectives en santé publique. On ne fait pas le même bilan à tout le monde, on ne prescrit pas sans faire avaler les mêmes compléments à tout le monde, au même moment. Ce qui est intéressant, c’est de savoir quel outil on utilise pour identifier le plus justement possible, ce dont l’individu X va avoir besoin à l’instant T.
BK : Mais si cet individu X est tout seul, sans accompagnateur, comment fait-il ?
DR : Actuellement, je ne sais pas. C’est bien le problème. Et, surtout, quelqu’un qui veut se mettre au sport n’a pas forcément compris que ce n’est pas un acte anodin. Demain, si vous voulez vous remettre à courir, vous achetez des chaussures, trouvez un sentier et partez courir. Après-demain, vous voulez vous mettre au tir à l’arc. Vous avez quand même intérêt à aller dans un club et à apprendre à tirer.
Reprendre une activité est une très bonne chose. La logique actuelle de liberté individuelle laisse à penser que l’on n’a pas besoin d’un accompagnement structuré. Les gens sont prêts à prendre des leçons pour conduire une voiture mais, pour leur corps, ils ne sont pas prêts à apprendre à le faire travailler intelligemment. Il existe des gens dont le métier consiste à leur éviter de faire des erreurs. Il faut qu’ils s’en rapprochent pour être bien accompagnés dans leur démarche.
Ceux qui veulent reprendre une activité se posent généralement plein de questions. On le voit bien avec ceux qui viennent nous voir au cabinet : Est-ce que cela va vraiment me faire du bien, j’ai de l’arthrose et cela me fait mal quand je marche, j’ai l’impression que même quand je marche beaucoup, je ne perds pas de poids … donc, ils se rendent bien compte, quelque part, que ce n’est pas si simple.
Photos : MCC
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