Billet d'humeur du 26 avril 2020
L’actualité nous offre son lot quotidien de situations mettant en scène les facteurs pouvant potentiellement déclencher un stress. Ce ne sont pas les événements par eux-mêmes qui le provoquent. C’est plutôt la résonance qu’ils ont sur nous et les scénarios qu’on se construit dans notre tête qui y participent. De quoi s’agit-il exactement ? Comme je l’aborderai dans un chapitre de mon tout prochain livre, grâce à différentes contributions scientifiques, notamment celles d’un organisme canadien, le « Centre d’Etudes sur le Stress Humain », il a été possible de mettre en évidence les quatre situations pouvant, isolément ou ensemble, le faire démarrer.
Quelles sont-elles ?
- D’abord, l’absence de contrôle sur une situation ou des événements: Un exemple permet de l’illustrer. Devant vous rendre à un rendez-vous décisif, vous vous trouvez bloqué malgré vous dans un bouchon, et vous ne pouvez rien faire pour éviter ce contretemps.
- Ensuite, le caractère imprévisible d’une situation : La vie fourmille de telles situations et je développerai un peu plus loin des exemples qui illustrent cette cause de stress.
- Autre facteur, le caractère de nouveauté d’une situation : L’émergence d’un nouveau virus obligeant à se confiner entre tout à fait dans le cadre de ces situations stressantes.
- Enfin, toute situation portant atteinte à l’ego : L’impression d’être remis en question, par exemple, crée chez certains individus un état d’urgence très proche de celui qu’ils ressentiraient face à un prédateur.
Ces événements, comme l’indiquent les chercheurs, vont faciliter une réponse reptilienne de stress et la sécrétion d’hormones du stress.
S’il fallait résumer cette nouvelle manière d’appréhender le stress on pourrait donc écrire ceci : Il s’agit d’une incapacité à s’adapter à des événements possédant un caractère de nouveauté, survenant de manière imprévisible, échappant au contrôle ou pouvant porter préjudice à l’ego. Ce sont donc les scénarios que chacun se construit dans sa tête, face à ces facteurs, qui peuvent peu à peu conduire à une désadaptation progressive. Une sorte de décalage s’instaure alors entre l’appréciation extérieure que l’observateur pose sur un fait donné, et le ressenti qu’il provoque chez le sujet stressé.
Revenons à l’actualité : Un virus inconnu venant d’un pays lointain arrive sur notre territoire et prend de court les responsables politiques et met à mal notre système de santé. Il s’agit d’une situation nouvelle, imprévisible et non anticipée. De plus, malgré les mesures développées, la pandémie se propage, de sorte que le phénomène commence à échapper au contrôle. Le dirigeant sera-t-il celui par lequel une catastrophe sanitaire annoncée par les augures statisticiens arrivera, ou au contraire celui qui, par excès de prudence, provoquera la faillite de son pays ? L’ego peut donc, à son tour, se trouver touché.
Dans ce contexte, le stress peut monter, au point de laisser le cerveau limbique intervenir, en proposant une solution toute faite dans sa boîte à outils. Le stress revêt un caractère d’autant plus important que notre société, comme le décrit remarquablement François Sureau dans son livre « Sans la liberté », s’établit sur un mythe, celui d’un monde où rien n’aurait le droit de nous arriver. Cet épisode met à mal cette croyance collective et, au sein de la population, éveille un très fort besoin d’être protégé par une toute puissance rassurante. Or, comme le souligne cet auteur, plus on souhaite bénéficier de cette protection, et plus on accepte de voir rogner nos libertés, la sévérité des mesures exerçant, pour un temps, un effet anxiolytique collectif.
Le discours limbique, voire paléo-limbique, adopté en cette circonstance par les dirigeants, qui évoquent l’allégorie de la guerre- ce qui a dû surprendre quelques réfugiés Libanais installés en France et ayant grandi sous les bombes-, et l’union sacrée, écarte toute velléité d’emprunter, pour traverser la rivière, un autre chemin que celui dont le chef garantit qu’il nous aidera à passer sans nous noyer… et peu importe qu’un sorcier de la tribu des Marseillais ait proposé de bâtir un pont et de rejoindre l’autre rive à sec. Les va-et-vient permanents, comme l’a illustré la question des masques, conduit le cerveau préfrontal, peu à peu, à s’interroger sur la cohérence des propositions mises en œuvre, ce qui fait progressivement monter le stress et donne la parole au reptilien… qui va ouvrir la porte vers la lutte !
Le 11 mai ne s’annonce pas comme la journée nationale du Bouddhisme, loin de là !
Dans quelque temps, le regard distancié que les anthropologues et les sociologues porteront sur cet épisode ne sera pas forcément très flatteur pour nos contemporains.
Écrire commentaire
Le Ruyet Patricia (dimanche, 26 avril 2020 13:11)
Quelle justesse dans votre analyse ! Merci à vous !