Bien rares sont les coureurs à ne pas devoir s’arrêter brusquement par la faute d’une blessure traînante, musculaire, tendineuse, articulaire ou pis, osseuse. Pour certains et certaines, cette interruption forcée et le report obligé des objectifs sont vécus sinon comme un drame, du moins comme un phase plutôt déprimante. Pourtant l’expérience accumulée sur cette question, à travers la consultation de sportifs de multiples horizons, peut aussi amener à se demander si, dans notre discipline, la blessure et la déprime ne sont pas deux manifestations d’un même mal, que le pépin physique contribue alors à révéler. En d’autres termes, une disposition d’esprit particulière vis-à-vis de la course, et plus généralement de la vie, ne prépare-t-elle pas à une blessure sérieuse, sur le compte de laquelle on mettra un coup de « blues » que la course à pied permettait uniquement de retarder ?
UN ENTRAÎNEMENT QUI VA AU-DELÀ DE CE QUI EST NÉCESSAIRE :
La course à pied, plus encore lorsqu’elle est pratiquée dans le domaine de l’ultra, est bien le seul sport où les pratiquants vont spontanément en rajouter et accumuler les séances, alors même qu’ils ne seraient pas sûrs du tout que cela les aide dans leur progression. Souvent même, à leurs yeux, la question ne se pose même pas en ces termes, comme s’il fallait courir pour courir quel qu’en fût le bénéfice hypothétique. A titre de comparaison, lorsqu’on côtoie des sportifs de haut niveau issus d’autres disciplines, comme des skieurs ou des handballeurs (qui savent ce que « haut niveau » signifie), le nombre de ceux qui, spontanément, rajoutent des séances pour le « fun » est quasiment nul. Ce n’est pourtant pas faute d’aimer leur discipline. Mais dans une approche pragmatique de la compétition où rien ne devrait être laissé au hasard, chaque séance a sa raison d’être et s’inscrit dans une logique où alternance, quantité, qualité et repos se trouvent savamment dosés. Tout ajout intempestif s’avère alors préjudiciable. A l’inverse, il n’est plus rare, aujourd’hui, de rencontrer des coureurs qui, en dépit d’un niveau relativement moyen, atteignent ou dépassent allègrement les 8 à 10 heures hebdomadaires. Cela va bien au-delà du souci de progresser, d’autant qu’on sait fort bien que le facteur le plus déterminant, de ce point de vue, c’est l’intensité et non pas la quantité. On peut s’inquiéter (ou s’attrister, au choix), devant ces adeptes du trail qui, fin août, ont déjà dépassé les 25 épreuves (toutes distances confondues).
Evidemment, on se gardera de porter tout jugement face à de telles situations. Il est également certain que toute blessure ne découle pas d’une telle implication de l’athlète dans la pratique de son sport favori. Mais admettons que la blessure ne frappe jamais au hasard, qu’elle a toujours des causes cachées ou profondes, qu’elle fait toujours l’objet, dans un premier temps, d’une forte dénégation du coureur blessé, et qu’ensuite il peut plonger dans une phase de déprime assez durable. Face à ce risque, qui menace d’empoisonner autant la vie du bipède que de son entourage, il convient de se préparer mentalement et d’adopter une approche positive. Ce conseil vaut aussi lorsqu’on est en pleine forme, ne serait-ce qu’en faisant plus largement appel à ses capacités d’analyse (face à son plan d’entraînement, son planning de courses, son rythme de vie, son approche préventive). La meilleure façon de ne pas se blesser est encore de se protéger… d’autant que la probabilité d’être atteint augmente dès lors qu’on a subi un premier coup d’arrêt. Nous vous proposerons dans un prochain papier quelques pistes pour mieux appréhender ces moments difficiles de la vie d’athlète.
Denis Riché - 2012
Photos et création : Philippe ENG & Girls band





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