La forme est une chose fluctuante. Des périodes où l'on se sent pousser des ailes alternent avec d'autres où l'on traîne des pieds de plomb. A l'approche d'une compétition, c'est évidemment la grande inquiétude: comment faire pour être en forme le jour J et pas la veille ou le lendemain?
A l'intérieur de l'entraînement, la programmation des séances est presque devenue une science à part entière. Mais une science pragmatique qui repose essentiellement sur l'expérience des bonnes et des mauvaises tentatives du passé, ces dernières étant d'ailleurs souvent beaucoup plus riches d'enseignements. L’approche scientifique dont se réclament certains, sur cette question, se résume en fait à l’application d’un modèle de réflexion propre aux physiologistes, mais les modèles proposés laissent largement empiriques, fondés sur la modélisation mathématique qui reste uniquement une forme pratique de représentation des données de terrain observées (1, 2) mais ne se présente en aucun cas comme un « paradigme » scientifique (3). Cela étant, l’analyse de ces expériences malheureuses aide à mettre en place des stratégies qui doivent permettre l'éclosion de la forme à une date programmée. Les entraîneurs disposent ainsi de protocoles pour des périodes de forme qui varient entre 15 jours et 4 semaines. Ce sont des recettes qui, paradoxalement, n'ont véritablement d'intérêt qu'à partir du moment où l'on saura s'en écarter. L'athlète doit en effet adapter le programme en fonction de ses propres sensations, ce qui suppose certains acquis, purement individuels et empiriques. Pour les jeunes et les débutants, le piège se situe précisément dans le fait de trop obéir aux directives, au risque de ne pas totalement assimiler les séances et d’évoluer en-deçà de leur niveau véritable. C'est ainsi que, dans presque toutes les disciplines, on voit des "vieilles gloires" tenir tête à des jeunes loups qui leur sont pourtant supérieurs sur le plan athlétique. D'autant qu'un autre phénomène entre en ligne de compte, c'est la régularité. Plus les acquis sont importants et plus il est facile de disputer de longues périodes de compétitions à un niveau constant. C'est la principale différence entre un athlète jeune et encore inexpérimenté qui traverse des moments de grande forme puis des creux de vagues impressionnants, et un athlète confirmé chez qui ces fluctuations physiologiques sont très estompées.
Les sensations s'envolent, l'écrit reste
Pour une bonne planification de l'entraînement, il faut donc de l'expérience. Pour cela, il n'y a pas d'autres solutions que de rouler sa bosse sur le circuit et d'accumuler les galères. Ne dit-on pas qu'un âne ne bute jamais deux fois sur la même pierre?
L'autre recommandation consiste à tenir un cahier d'entraînement. Toutes les informations relatives à la forme seront soigneusement consignées de façon à faire émerger les enchaînements positifs ou négatifs en vue des compétitions (4). Selon les athlètes, ces cahiers sont épais et bourrés d'annotations de couleurs différentes sur les charges de travail, mais également le sommeil, l'alimentation, le mental, le matériel, la technique, etc. D'autres se contentent simplement de pointer les contenus des séances et la forme du jour. Il n'y a pas de règles. L'important consiste à garder traces de ce que l'on vit, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets.

Ne sortez pas sans fondamentaux
En dehors de cela, il est difficile de donner des conseils de programmation dans la mesure où chaque discipline possède ses spécificités. Dans un sport comme le tennis, par exemple, l'absence de saison complique formidablement le travail de préparation. Tandis qu'en athlétisme, des échéances comme les Championnats du monde ou de Jeux olympiques sont déterminées longtemps à l'avance. Enfin, il y a la situation particulière des sports collectifs qui se caractérisent par le déséquilibre important entre la période préparatoire et celle des compétitions. En football, par exemple, on dispose de 1 mois de préparation pour pratiquement 9 mois de championnat! Pas question, dès lors, de peaufiner le programme. Néanmoins, on peut tirer quelques généralités. Ainsi, dans tous les sports à composante aérobie, on doit débuter par le développement de l'endurance. On fait des séances longues (d’une durée maximale qui dépend de la discipline pratiquée) à une intensité modérée (fréquence cardiaque à 70 à 75% du maximum). C'est la base de l'entraînement. Elle vise une amélioration du métabolisme aérobie (enzymes du cycle de Krebs, nombre de mitochondries, vascularisation musculaire) tout en évitant la production d'acide lactique qui bloque l’oxydation des graisses (4, 5, 7). Autre avantage: on oxyde davantage de lipides, ce qui permet aux athlètes de se débarrasser des éventuels kilos excédentaires. Voilà classiquement le type de séances que l'on propose après une période de trêve ou à l'entame d'une nouvelle saison. Puis, progressivement, on va introduire deux sortes de séances plus intensives, qui ont des finalités distinctes. Dans les premières, on élève l'intensité de l'effort (jusqu'à 85% de la FC maximale), de façon à entraîner sa capacité à soutenir un pourcentage plus élevé de "VO2max". C’est le fameux travail au seuil. Dans les secondes, on réalise des séances d'"interval training aérobie" avec l'alternance de hautes intensités d'effort (90 à 95% de FC maximale). On les développera lors de séances spécifiques consacrées plutôt à la puissance (sprints de 15 à 30 secondes entrecoupés de récupérations de durée égale), ou plutôt à l'explosivité (sprints courts de 10 à 15 secondes suivis de récupérations longues de 3 minutes). L’ordre d’introduction dans le programme de ces deux formes de séances, seuil d’une part et VMA d’autre part, dépendra de l’orientation retenue par le coach. En général, pour les plus forts d’entre nous, la forme ultime de développement de VO2 Max passera par des séances d’intervalle faisant appel à des séquences d’effort maximal d’une à trois 3 minutes, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde… et inutile dans bon nombre de sports.
En ski de fond, on opte directement pour les durées intermédiaires. Simultanément, on début les séances comprenant des séquences d'intensité intermédiaire (70 à 75% de la FC maximale) de durée équivalente ou légèrement inférieure. Avec ce type de séances, on fait davantage appel aux glucides. De ce fait, on améliore aussi ses capacités de stockage du glycogène musculaire.
De plus en plus souvent, on prévoit aussi des séances d'endurance-force dans le geste spécifique (ou le plus proche possible) du sport de prédilection. Pour un cycliste, par exemple, cela consistera à escalader des bosses sur le grand plateau, tandis qu'un skieur de fond s'attaquera à des pentes raides avec des skis de randonnée. Cette musculation hautement spécifique est effectuée dans une zone d'intensité assez modérée (70 à 75% de la FC maximale). Le but n'est pas de se crever à la tâche mais de "chauffer" les muscles. On fait souvent référence au contenu de ces séances comme aux "fondamentaux" de l'entraînement en dehors desquels rien n'est possible.
Là-dessus viennent se greffer les séances techniques. Car il ne suffit pas de disposer d'un bon moteur, il faut encore soigner le geste et contribuer par là à en réduire le coût énergétique. C'est un travail de tous les instants que l'on peut comparer aux gammes du musicien. Au cours d'une longue saison, le risque existe de voir se dégrader progressivement les acquis techniques et ressurgir d'anciens défauts. C'est comme cela que certains athlètes voient reculer leur niveau de performance en compétition alors que leurs paramètres physiologiques restent excellents. Ces séances techniques varient évidemment selon les disciplines. En ski de fond, par exemple, on cherchera une amplitude maximale de chaque geste et un temps de glisse aussi long que possible malgré une faible vitesse de déplacement. En cyclisme, on effectuera des sorties sur pignon fixe pour bien "tourner les jambes". Lorsque la détente est une composante majeure de l'effort physique, on cherchera à renforcer la musculature des pieds en faisant des bondissements pieds nus sur des tapis relativement mous (6). Ces exercices proprioceptifs ont le mérite d'éliminer presque complètement les blessures qui pourraient survenir avec l'accumulation des sauts tout au long du programme.




Le mystère des pyramides
Ces grands principes de préparation restent plus ou moins identiques dans les disciplines qui font appel à la force ou à la puissance, sinon que le pic de forme est un peu plus facile à atteindre. Cela tient essentiellement au fait que, dans ces disciplines, le travail de développement a lieu sur des fibres musculaires rapides. La réponse adaptative apparaît plus vite que dans la performance aérobie qui dépend de longues années de construction. Mais qu'importe! Pour qu'un programme soit complet, il faut impérativement incorporer des exercices dans les trois niveaux d'intensité -aérobie, seuil et puissance maximale- auxquels s'ajoutent des séances techniques. Toute la difficulté réside alors dans le dosage de ces ingrédients et dans l'organisation générale du programme sachant qu'il existe des incompatibilités entre certaines filières. Par exemple, un travail essentiellement lactique finit par nuire aux capacités aérobies. Tandis que de l'aérobie pur empiète sur les qualités d'explosivité. Cette difficulté à marier toutes sortes de paramètres différents croît évidemment dans les sports combinés (biathlon, duathlon, triathlon, pentathlon, heptathlon, décathlon). Ces athlètes sont constamment en train de jongler avec les exigences de chaque discipline. De ce fait-là, ils sont relativement à l'abri des périodes de lassitude. Dans les autres sports, le danger existe effectivement de se focaliser sur une forme d'entraînement. Or il faut se méfier de l'hyper-spécialisation. Prenons le cas d'un lanceur du disque qui consacrerait tout son temps à améliorer sa technique et sa force, les deux paramètres essentiels de performance, sans laisser de place aux autres fondamentaux. On pourrait croire que la diminution des mitochondries dans les cellules musculaires consécutive à un entraînement exclusivement en force n'aurait aucune conséquence fâcheuse sur l'évolution de ses performances. Or on s'apercevrait bien vite qu'elle le pénaliserait en augmentant notamment les délais de récupération en compétition ou à l'entraînement. En clair, on ne progresse que dans la diversité (6). D'un autre côté, il ne faut pas s'éparpiller hors des contraintes spécifiques de sa discipline et ne pas oublier non plus de travailler ses points forts qui restent les meilleurs atouts dans les concours. Tous les programmes d'entraînement doivent puiser au début dans une gamme d'effort suffisamment large pour se concentrer au fil du temps sur les aptitudes déterminantes en fonction du sport considéré. On peut évoluer toujours du général vers le particulier. Il faut imaginer cela sous la forme d'une pyramide: large à la base, pointue au sommet. Le but consiste à parvenir en période compétitive en étant rôdé aux sollicitations extrêmes tout en conservant une grande fraîcheur mentale. Bien sûr, cela ne suffit pas pour garantir la victoire. Il y a tellement d'autres paramètres qui entrent en ligne de compte... C'est pourquoi l'athlète, comme le médecin, n'a pas d'obligation de résultats. Seulement une obligation de moyens. Par la qualité de l'entraînement en période précompétitive, il doit mettre toutes les chances de son côté. Ensuite, advienne que pourra!
Gros plans sur la saison
La première tâche en début de saison consiste donc à planifier la préparation et déterminer l'ensemble des macrocycles (à l'échelle de +/- 1 mois) et des microcycles (à l'échelle d'une semaine). L'entraînement redémarre toujours doucement. On travaille en volume non seulement pour retrouver sa condition mais également pour être à même d'encaisser plus tard l'enchaînement des séances plus dures et des compétitions. Après ce macrocycle foncier, viennent les premiers "pics des charges" qui constituent une phase de réveil de la mémoire musculaire. Cette montée en puissance peut se poursuivre par l'inscription dans une compétition isolée. Dans la semaine qui précède cette première prestation, on n'oubliera tout de même pas de prévoir un microcycle axé sur la décontraction. En général, on allège les charges de travail, à l'exception d'une séance intense dans la semaine placée deux ou trois jours avant l'épreuve. C’est le fameux « tapering », initié dans le milieu de la natation et popularisé par les travaux de David Costill, le physiologiste américain (voir « Sport & Vie » n° 24 ). On cherche ainsi à épuiser ses réserves de glycogène pour permettre une surcompensation. Ces petites compétitions d'avant-saison et de séances plus rapides d'entraînement fournissent généralement de bons repères au niveau des sensations. On risque sinon de ne pas être dans le rythme lorsque reprendront les choses vraiment sérieuses, ce qui s'explique, sur le plan biochimique, par une inertie trop importante des systèmes enzymatiques cellulaires. Plus tard, lorsque les compétitions se succèdent à un rythme accéléré, ces sorties plus intenses perdent de leur utilité. A raison d'une épreuve par semaine, la compétition elle-même suffit à entretenir des aptitudes physiques. A ce moment-là, le seul souci de l'athlète sera de bien récupérer. En saison, l'entraînement est allégé et ne contient plus que des séances de régénération effectuées à des vitesses faibles (50 à 60% de la vitesse maximale aérobie) et sur des durées n'excédant pas une heure (au maximum 1h30 pour des marathoniens) (5, 11). Selon les individus, une journée de repos sera observée la veille ou l'avant-veille de chaque épreuve. Si certaines semaines de la saison voient les compétitions s'espacer suffisamment pour dégager un délai sans sollicitation intense, il est alors possible de replacer une séance intense 2 ou 3 jours avant la course ou même un peu de vitesse la veille. Cette dernière démarche constitue surtout une manière de se remettre dans le rythme sans risquer d'entamer ses réserves ou de fabriquer des métabolites nuisibles à la performance du lendemain.
L'écume des jours
Voilà le schéma classique qui doit servir à la programmation des macrocycles. Quant aux microcycles, ils doivent également répondre a une cohérence interne qui s'articule sur l'aptitude que l'on cherche à développer. Un modèle assez courant dans certains sports consiste à faire deux jours de charges importantes, puis un troisième jour plus calme. On peut alors prévoir une demi-journée de repos au milieu de la semaine. Dans d’autres, notamment en course à pied, l’existence des ondes de choc destructrices incite à appliquer plus scrupuleusement le principe « d’alternance », avec une succession « jour difficile »- jour facile », voire un véritable repos un jour sur deux (5). Des derniers enfin encore tirent un meilleur parti du cumul de 3 à 4 séances dures. Cette dernière façon de fonctionner se conçoit aisément chez l'athlète de haut niveau qui ne peut attendre que des progrès minimes d'une séance d'entraînement. Les programmes proposant plusieurs séances dures à la suite reviennent à solliciter l'organisme à des moments où la récupération est incomplète, ce qui a pour conséquence d'augmenter le stimulus adaptatif (11). En ski nordique et particulièrement en biathlon, les méthodes de préparation allemandes intègrent largement l'addition des sollicitations intenses dans un état de récupération inachevée. Ce genre de série aboutit à des effets positifs dans la mesure où elle demeure limitée et se poursuit par une période de repos suffisamment importante pour permettre la récupération et la surcompensation espérée et éviter le surentraînement (11). Quoi qu'il en soit, il est primordial de respecter la dominante de chaque séance à l'intérieur d'un microcycle en ne travaillant que dans la zone prédéterminée, sans quoi le but de développement ne serait pas atteint. Une erreur fondamentale serait de mélanger plusieurs formes d’entraînements au cours d'une sortie, un travail en puissance dans une séance aérobie par exemple, ce qui pourrait conduire à des résultats inverses à ceux attendus (*). C'est la raison principale pour laquelle on conseille de s'entraîner avec un cardio-fréquencemètre, à moins, bien sûr, qu'une connaissance poussée des sensations propres permette une interprétation précise des sollicitations. Avec la pratique, on parvient à savoir dans quelle zone de fréquence cardiaque on évolue, mais cela présuppose presque obligatoirement que l'on ait déjà travaillé avec des données chiffrées auparavant.
Les repères biologiques
Les sportifs se lançant de leur propre initiative dans une planification de leur entraînement auront intérêt à se tester régulièrement pour apprécier la pertinence de leur programme et, au besoin, pour en modifier la teneur. Il suffit pour cela de disposer d'un parcours sur lequel on pourra facilement se chronométrer et comparer ainsi les résultats au début du plan d'entraînement et jusqu'à deux semaines avant l'objectif. Les temps de référence constituent alors des indices de progression. Evidemment, les conditions extérieures rendent parfois ce type de comparaison impossible: le vent, la qualité de la neige, etc. On peut alors se baser sur l'observation de la fréquence cardiaque. Un pouls qui monte facilement, pour peu qu'il soit corrélé à de bonnes sensations, est, en principe, un signe encourageant. Si, au contraire, on se sent incapable de grimper dans les tours, la forme est loin d'être optimale. Remarquez, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Tout dépend des échéances. Alors de deux choses l'une: soit le sujet constate que sa forme est trop précoce par rapport aux objectifs et il y remédie en accentuant la charge horaire de ses semaines en ajoutant des séances aérobie. Soit, il se trouve en retard sur son programme, et il lui faut alors déterminer l'origine de la cassure. Pour cela, les athlètes de l'élite recourent alors à toutes sortes d'examens médicaux comme, par exemple, l'analyse du rapport entre la testostérone et le cortisol sanguin. De fait, ce rapport baisse en cas de profonde fatigue. Mais l'interprétation de ce paramètre reste difficile dans la mesure où ce dosage ne fait pas la différence entre le surentraînement et le stade normal d'épuisement après des efforts intenses (10). En clair, il n’est pas discriminant ! D'autres tests visent à apprécier la réponse d’autres systèmes physiologiques, ainsi celui élaboré par le Docteur Fouillot du laboratoire de physiologie des adaptations à la faculté de médecine de Cochin Port Royal (service du Professeur Rieu). Le protocole est basé sur la réalisation d'un électrocardiogramme dans différentes positions. Le test revient à évaluer l'état du système neurovégétatif, c'est-à-dire l'équilibre présent entre les systèmes nerveux orthosympathique et parasympathique. Au départ, le sujet est couché pendant 8 minutes au terme desquelles il respire amplement selon un rythme défini par l'examinateur. Il se lève ensuite et reste debout pendant 5 minutes avant de se soumettre à un test de Ruffier-Dickson (**). Puis il s'allonge de nouveau. La lecture de la courbe enregistrée peut alors mettre en évidence des dysfonctionnements qui sont traduits par une baisse de la variabilité cardiaque dans les zones en rapport avec l'activité de l'un ou l'autre des systèmes neurovégétatifs, ou parfois des deux. L'intérêt majeur de ce test tient à sa capacité à signaler avec une fiabilité inégalée, un état de fatigue, et ceci beaucoup plus en amont que ne le font certains témoins biologiques. Il permet en outre d'analyser le type de fatigue en jeu et donc de définir l'évolution adéquate dans les soins et l'entraînement. On distingue en effet classiquement deux types de surmenage, celui dit « orthosympathique », et l’autre qualifié de « parasympathique », tous eux abondamment décrits dans la littérature médicale ces dernières années. Le plus souvent, dans les sports d’endurance, on diagnostique un système parasympathique trop faible, dominé par une activité orthosympathique exacerbée. La fatigue résulte alors d'un excès de sollicitations et trouve sa solution dans un réaménagement du programme sur base uniquement de séances aérobie. (L'aérobie est le meilleur moyen pour remonter à la fois les systèmes para- et orthosympathique). A l'inverse, on observe parfois une absence de réactivité du système orthosympathique, signe d'une usure provoquée par un volume horaire exagéré. On réduit alors le volume d'entraînement en ne conservant que les séances courtes et stimulantes (vitesse). A condition de bien observer ces recommandations, le problème sera résolu en quelques jours. La situation la moins évidente à gérer est évidemment celle dans laquelle les deux systèmes accusent des anomalies. Il faudra alors beaucoup plus longtemps pour refaire surface, surtout si le sportif ne respecte pas complètement la coupure de l'entraînement imposée par son état.
En position acide
Intéressons-nous à présent à toutes ces disciplines explosives où la filière anaérobie lactique est le principal support de l'énergie. Dans un 400 mètres, par exemple, l'athlète doit pouvoir résister à un engorgement acide et cette capacité lactique s'entraîne à l'approche de la compétition comme n'importe quel autre paramètre. Cela s'effectue dans le cadre de séances lactiques où l'on répète les sollicitations sur le muscle en état de récupération incomplète. Classiquement, on programme des exercices d'une durée de 45 secondes à 1 minute 30 réalisés à très haute intensité (120% de la PMA) et entrecoupés de 3 à 5 minutes de récupération inactive. En clair, on reste assis ou couché de manière à prolonger l'état d'acidose lactique, dans la mesure où le pic sanguin d’acide lactique, après une telle séance, survient 3 à 5 mn après l’arrêt de l’exercice. On reprend alors au moment où le système tampon du sang est sollicité au maximum (6’). Notez que dans d'autres disciplines qui reposent sur la répétition d'efforts épuisants, comme le football par exemple, on aura plutôt intérêt à prévoir une récupération active entre les intervalles anaérobies lactiques dans la mesure où l'on vise ici une amélioration du système enzymatique de resynthèse (6’). Parfois, on provoque même la montée acide par des exercices spécifiques. Pour des skieurs alpins, par exemple, cela peut prendre la forme d'un slalom parcouru avec un excès d'acide lactique produit pendant une contraction isométrique placée juste avant la descente. Lorsqu'on aborde les séances lactiques en phase précompétitive, chaque sport doit ainsi être décortiqué selon la fréquence et la nature de ses incursions au-dessus du seuil anaérobie. Quant aux sports d'endurance pure, ils n'ont pas intérêt à utiliser trop fréquemment l'intervalle anaérobie car celui-ci dessert le développement des paramètres aérobies dont leurs pratiquants ont besoin avant tout.
Le sommeil réparateur
Enfin, on ne peut conclure ce chapitre sur la programmation de l'entraînement sans attirer l'attention sur l'importance de la récupération. Les sportifs doivent comprendre que le repos fait partie intégrante de leur entraînement. C'est la condition sine qua non pour induire une réaction compensatoire favorable de l'organisme. Le plus souvent, le problème se pose en phase terminale de préparation. A ce moment-là, un programme très lourd produit une grande fatigue. Et l'on s'inquiète évidemment de se sentir si las à proximité des premières échéances. Aussi, il est indispensable de ménager une phase de récupération suffisamment longue pour aborder la compétition dans les meilleures dispositions. Il faut "faire du jus" selon l'expression consacrée, et cultiver cette envie de se défoncer en vue du grand rendez vous. Or, trop souvent, les athlètes n'ont pas le courage de se reposer. D'une certaine manière, ils se sécurisent mentalement en poursuivant leur entraînement jusqu'au dernier jour (11). Mais cette démarche est suicidaire. Un organisme qui n'aurait pas suffisamment récupéré ne pourrait en aucun cas tirer correctement parti des qualités développées lors de la préparation. On sait d’ailleurs qu’en réduisant de moitié ses charges de travail pendant plusieurs semaines, en conservant des séances qualitatives, on enregistre une amélioration des qualités athlétiques, ce qui montre bien le déficit d’assimilation de la plupart des adeptes des sports d’endurance (13). En fait, il faut bien comprendre qu'à ce moment-là les dés sont jetés et qu’il est trop tard pour rattraper le temps perdu. Dans cette phase, la fraîcheur du sportif sera effectivement plus à même de combler les éventuels déficits de sa préparation que n'importe quelle séance qui menacera plutôt d'entamer ses ressources physiques. Ce même respect du temps de récupération est à observer à toutes les étapes de la préparation sportive, notamment quand survient une pathologie infectieuse ou traumatique. L'athlète est souvent persuadé qu'il peut reprendre son entraînement dès qu'il se sent bien, et il enchaîne immédiatement au niveau où il en était resté avant sa blessure. Ce faisant, il court à la catastrophe. En effet, l'absence d'entraînement ne provoque pas seulement une atrophie musculaire facilement réversible. Elle entraîne aussi une fragilisation des tendons et même des os. Le collagène se déshydrate et devient moins élastique (11). On ne peut pas brûler les étapes. A cet égard la prudence dont a fait preuve la biathlète Florence Baverel suite à son opération du pied, est exemplaire. Interdite d'entraînement pendant deux mois d'automne (septembre, octobre) déterminants dans le développement foncier de son sport, elle a consenti à décaler sa préparation en se privant des épreuves de Coupe du Monde du mois de décembre pour y substituer la base de travail manquante. Si, au contraire, elle avait repris son entraînement avec le cycle d'affûtage pré compétitif, elle aurait sans doute connu une montée en forme très rapide mais trop éphémère pour prétendre en profiter pendant toute la saison.
Le repos est bien la voie d'accès privilégiée à la récupération et il s'exprime d'abord dans un sommeil suffisant en quantité et en qualité. Toute perturbation de ce moment capital est lourde de conséquences. Les privations de sommeil altèrent les capacités psychomotrices et cognitives. On éprouve des difficultés à se concentrer, à enregistrer des faits nouveaux. Sur le plan physique, on sait que le manque de sommeil a un effet dépressif sur les performances. Par exemple, en réduisant la durée habituelle de sommeil chez des athlètes d'endurance de haut niveau, on constate après 1 heure d'effort difficile, une dégradation des capacités cardio vasculaires, ventilatoires et hormonales. La modification du rythme circadien de la température corporelle résultant d'une privation de sommeil, pénalise l'adaptation thermique d'un organisme soumis à une dépense énergétique importante. Les processus hormonaux à l'effort (catécholamines, cortisol, hormone de croissance) peuvent encore être perturbés, de même que la cinétique des principaux enzymes de la contraction musculaire (chute de leur concentration dans les myofibrilles) (11). Les déclarations de la coureuse de demi fond roumaine, Gabriela Szabo, affirmant que sa force lui vient de sa faculté à dormir jusqu'à 16 heures par jour, ne surprennent qu'à moitié si l'on se réfère au rôle régénérateur du sommeil.
(*) : Cela étant, le marathonien belge Vincent Rousseau, auquel nous avons consacré un hors-série, associait souvent dans une même sortie plusieurs allures spécifiques, en se plaçant dans une logique de progression qui le préparait idéalement à la réussite sur 42,195 km.
(**) Le test de Ruffier-Dickson est un petit test d'effort, très facile à mettre en place, qui consiste à faire 30 flexions complètes des jambes en 45 secondes.
On applique alors la formule : Fe - 70 + 2 (F1 - Fr)/10
- Fr représente la fréquence cardiaque de repos (sur une minute).
- Fe représente la fréquence cardiaque à la fin de l'effort (prise sur 15 secondes multipliées par 4)
- F1 représente la fréquence cardiaque après une minute de récupération (sur une minute).
On obtient alors un chiffre qui est considéré comme
- Excellent à zéro
- Très bon en dessous de 3
- Bon entre 3 et 6
- Moyen entre 6 et 8
- Faible au-dessus de 8
(***) aspects développés avec le concours de Laurent Schmitt, professeur à l'ENSF de Prémanon, entraîneur national de ski de fond à la FFS jusqu'en 1998 et actuel conseiller national de l'entraînement des disciplines nordiques.





Encadré 1 : Qui peut le plus, peut le moins
Ce qui rend la programmation de l'entraînement si difficile, c'est qu'à côté des paramètres plus ou moins gérables de la physiologie, se bouscule une foule de facteurs qui peuvent tout ruiner en quelques instants. D'excellents sportifs souffrent ainsi d'un frein psychologique qui les empêche de produire en compétition les excellentes prestations de l'entraînement. D'autres sont bloqués dans les grandes occasions. Le trac les prive d'une réussite pourtant largement dans leurs cordes. La slalomeuse croate, Janica Kostelic, illustre cela parfaitement. Cet hiver, elle a d'abord réalisé l'extraordinaire exploit de reporter 8 épreuves consécutives de la Coupe du monde. Du jamais vu! Finalement, elle s'est ramassée aux Championnats du monde en terminant à une peu glorieuse 5ème place. Peut-on résoudre ces blocages psychologiques? Oui et non. Certes, il n'existe pas de méthode miracle. Mais on peut faire l'effort de se familiariser avec toutes sortes de situations difficiles pour éviter les surprises. Le planning de saison implique ainsi de prévoir les difficultés liées à la gestion de paramètres extra-sportifs comme les voyages, le décalage horaire, les changements de nourriture, l'altitude, le dépaysement. En cas de compétitions importantes à l'étranger, il faut aussi prévoir une période sur place pour s'habituer aux conditions particulières du lieu de compétition, quitte à bousculer un peu ses habitudes. Aux Jeux de 1994 à Lillehammer, certains sportifs ne débarquèrent que l'avant-veille de leur épreuve et furent pénalisés par ce faible délai qui ne leur a pas laissé le temps de s'adapter au froid intense (entre 15°C et 25°C) installé sur la Norvège à cette période de l'année. Il ne s'agit pas non plus de tomber dans l'excès inverse en se rendant trop tôt sur les lieux de la compétition, parce qu'alors les athlètes privés de tout dérivatif risqueraient de se focaliser sur leur objectif jusqu'à l'épuisement nerveux. Enfin, il faut se projeter mentalement dans l'épreuve pour envisager toutes les éventualités. Le cas de la compétition de biathlon aux Jeux Olympiques de Nagano donne a contrario un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Une absence de glisse évidente pendant le parcours de ski a provoqué un décrochage de la concentration chez les athlètes français qui se disaient que, de toutes façons, même un score parfait au tir ne les sauverait pas du retard en ski. Or ce genre de pensée suffit à ce qu'on perde le fil de la course et qu'on cesse de s'accrocher derrière sa carabine pour faire tomber les cibles. Pourtant, on peut éviter ces phases de découragement en cours d'épreuve par l'expérience d'autres situations où l'on a assisté à des revirements de la donne. Pour cela, il n'y a pas de meilleures écoles que la compétition elle-même. Elle offre un formidable réservoir d'événements imprévisibles et surprenants. S'armer psychologiquement implique donc de multiplier les épreuves dans les conditions les plus diversifiées, parfois extrêmes, pour justement augmenter ses facultés d'adaptation en se rappelant cette maxime terriblement opportune: "Qui peut le plus, peut le moins".



Encadré 2 : Le rugby ubiquitaire
En quelques années, le rugby a subi une série de transformations qui pose en toile de fond la question d'une réorganisation des plannings d'entraînement. Les joueurs de l'élite se perdent dans la définition des objectifs et, pis encore, n'ont plus de créneaux avant ou après les matchs pour une période de préparation ou de récupération. En novembre de l'année passée, par exemple, les premiers tours des coupes européennes se trouvaient placés en pleine période de préparation pour le championnat, tandis que les internationaux étaient partis en tournée dans l'hémisphère sud. Doit-on s'étonner alors que les blessures aient été aussi fréquentes et les bilans sanguins si désastreux? Ces joueurs en sont parvenus à un stade où ils se contentent de gérer leur épuisement à l'image de ces internationaux du Stade Français et de Toulouse qui préparèrent le match de Dublin au dernier Tournoi des six nations en dormant dans leur chambre d'hôtel. En faisant le choix de la professionnalisation sur le modèle des antipodes, le rugby se condamne à d'autres mutations comme une refonte du calendrier qui éviterait à l'élite la dispersion dans des rencontres de second plan. Il arrive fréquemment qu'un rugbyman Elite 1 enchaîne dans la même semaine un match devant 50.000 personnes et un autre devant 300 spectateurs. Ce ne serait pas possible dans l'hémisphère sud où les meilleurs joueurs sont repris dans des équipes provinciales au nombre de 12 dans toute la région. En attendant cette réforme, nous sommes condamnés au bricolage. Voici, à titre d'exemple, le planning de la semaine de préparation de l'équipe de France de Rugby à son premier match du tournoi des six nations.
Lundi: séance classique de décrassage après la rencontre du dimanche, trottinement léger, assouplissement.
Mardi: intensification du programme avec une grosse séance tactique où les aspects techniques collectifs ont été travaillés sur un rythme important.
Mercredi: Un programme lourd avec une séance tactique spécifique le matin et spécifique pour les avants et les arrières. Les avants et les 3 /4 ont eu droit à une demi heure d'alternance courses longues et courses courtes en PMA. Après une sieste, les rugbymen retrouvaient le terrain l'après midi pour 2 heures de tactique.
Jeudi: allègement. On remet le travail technique au centre des préoccupations avec un exercice d'occupation du terrain sans opposition. La séance débute par un échauffement en salle. Ensuite, les entraîneurs ont mis l'accent sur les lancements de jeu et les combinaisons. Les 3/4 ont terminé par un petit match de foot.
Le vendredi et le samedi ont été axés sur la récupération, et le dimanche, l'équipe de France rentrait dans le tournoi.
Encadré 3 : Un club select
Le problème de la sélection des athlètes pour les grandes compétitions internationales est un vrai casse-tête. Aucune nation ne l'a résolu; soit que l'on adopte un système à l'américaine où la sélection se fait seulement sur base du résultat obtenu dans les championnats nationaux; soit que l'on choisisse plutôt, comme dans les pays d'Europe, de fixer des minimas ou de s'en remettre à l'avis de l'entraîneur fédéral. Dans le premier cas, il arrive qu'on échoue à décrocher son ticket à la suite d'une petite blessure sans gravité ou d'un concours malheureux de circonstances. On ne compte plus les athlètes qui furent privés de Jeux olympiques alors qu'ils régnaient en maître sur leur discipline. Mais, en soumettant la qualification à des minimas, on risque d'introduire un élément perturbateur dans la préparation de l'athlète, surtout chez les jeunes qui parviennent difficilement à scinder leurs objectifs. En outre, au niveau psychologique, la focalisation sur la sélection risque de provoquer un déplacement de la motivation qui ne sera plus dirigée vers sa véritable cible. Il n'est pas rare que des athlètes ayant brillamment franchi le cap des sélections, accusent par la suite un niveau nettement inférieur et ne rencontrent pas le succès prévisible en regard de leur prestation qualificative. Il faut donc réfléchir au problème dès l'entame de la saison en prévoyant deux pics de forme, l'un centré sur l'objectif proprement dit, l'autre pour la phase de sélection. Le choix du moment où les athlètes vont se sélectionner a des incidences variables sur le reste de la planification. Que ce moment soit précoce (plusieurs mois avant l'échéance), à moyen terme (12 à 18 jours avant), ou tardif (juste avant la compétition), la situation résultante comporte toujours des avantages et des inconvénients et la décision est de toute façon le plus souvent arbitraire. C'est certainement le moyen terme qui réunit le plus de critères intéressants. L'athlète sait qu'il est en forme. Il a confiance en ses capacités. Et il dispose d'un délai suffisant de deux ou trois semaines pour une récupération psychique et physique et une reprogrammation de son entraînement.
Encadré 4 : Un pentathlon très moderne
En matière de programmation, les sports combinés sont sûrement les plus difficiles à gérer. Nous avons choisi l'exemple du pentathlon moderne en décortiquant la préparation de l'équipe de France aux Championnats du monde de 1994 à Sheffield (Grande Bretagne). En cette occasion, toute l'équipe fut réunie lors d'un stage de trois semaines dans la ville thermale d'Amélie les Bains. Chaque semaine voyait la répétition de deux micro cycles de trois jours avec 4 unités de travail les deux premiers jours et 2 unités le troisième. Les cinq disciplines du pentathlon étaient entraînées dans des ordres variés pour éviter toute monotonie (11). Le reste de la journée était consacré aux soins du corps et de l'âme: hydrothérapie, bains de boue, ostéopathie, sophrologie, etc. Dans ce programme, le sommeil occupait aussi une place d'importance avec une sieste quotidienne ou tout au moins un repos en chambre, entre 13h30 et 15h30, et un coucher impératif à 22 heures. L'amplitude des charges a pu être maximale les deux premières semaines, rassurant les athlètes sur leurs potentiels de performance, tandis que le contenu sensiblement allégé de la dernière semaine a favorisé l'assimilation totale des charges. A Sheffield, l'équipe de France a été sacrée championne du monde.
Encadré 5 : La vie rêvée des anges
Dans le biathlon, les performances athlétiques en ski de fond sont continuellement sous la menace d'un tir approximatif. Peu de disciplines versent autant dans l'aléatoire. Et pourtant ce sont toujours les mêmes qui trustent les médailles. Nous avons rencontré Raphaël Poirée, le numéro 1 mondial.
- Quelle a été votre préparation aux Championnats du Monde 2001?
- Je suis sorti tellement fatigué de l'enchaînement des courses de Coupe du Monde depuis début décembre, que ma seule préparation a été de me reposer! Après la dernière course en janvier qui se déroulait à Anterselva (en Italie), nous sommes restés là bas avec ma femme Liv dans le but de récupérer. Alex (ndlr: un kiné qui suit l'équipe de France de biathlon depuis plus de 10 ans) nous a rejoints et il s'est occupé de moi pendant toute la semaine à raison de 2 massages d'une heure par jour et des soins avec un appareil spécial (LPG Sport) qui accélère l'élimination des toxines musculaires (*). J'ai quand même refait un peu d'intensité 4 à 5 jours avant la première course sous la forme d'intervalles au seuil (3 x 8 minutes de travail entrecoupées de 30 secondes de récupération active), puis deux jours plus tard de séries, toujours au seuil, mais avec du tir au milieu (4 minutes d'effort + tir + 4 minutes d'effort et 15 minutes de récupération active avant une deuxième série). La veille du 10 kilomètres, j'ai skié à un bon rythme sur deux fois 1.5 kilomètre, mais sans me mettre dans le rouge.
- Faites vous des séances-type pour vous préparer avant les compétitions importantes?
- Dans la semaine précédant les courses, je fais souvent deux séances au seuil relativement longues (1 heure), tandis que 2 à 3 jours avant la course je fais un peu de vitesse pour retrouver mes sensations. Mais en fait tout dépend du moment de la saison et de comment je me sens.
- Avez vous envisagé une préparation particulière pour les JO de l'année prochaine?
- Oui. A Salt Lake City, les Jeux auront lieu à 1600 mètres. Je me préparerai donc en altitude. C'est d'ailleurs ce que je fais depuis le printemps 2000. J'enchaîne les séjours de 2 à 3 semaines en altitude avec des périodes de 5 semaines durant lesquelles je profite du regain de forme. Je suis ainsi allé à Fond Romeu (1800 mètres), à Belmeken en Bulgarie (2250 mètres), sur glacier à Tignes (piste à 3000 mètres et logement à 2000 mètres). Ensuite nous avons couru les 3 premières semaines de Coupe du Monde à Anterselva (1600 mètres) puisqu'il n'y avait pas de neige sur les sites prévus initialement. Avant d'attaquer les Coupes du Monde de janvier, je suis allé à Bessans (1800 mètres), et enfin j'ai retrouvé Anterselva pour la dernière semaine de Coupe du Monde de janvier et la semaine avant les Championnats du Monde. Ce que j'ai constaté c'est que, grâce à cette préparation en altitude, j'ai vraiment stabilisé mon niveau. Même dans les moments où j'ai l'impression de ne pas être super, je reste performant.
- En juin 1999 vous avez eu un accident de moto qui a perturbé votre préparation. Comment avez vous géré le risque de ne pas être prêt pour le début de la saison 1999 2000?
- Aujourd'hui, je me dis que cet accident m'a été salutaire car il m'a obligé à vraiment couper. Je suis resté sans aucun entraînement pendant 20 jours à un moment où j'avais encore beaucoup de fatigue de la saison précédente et où il n'aurait pas été opportun de reprendre l'entraînement, ce que j'aurais probablement fait sans cet accident. Après ces 20 jours, j'ai pu me réentraîner physiquement. Je travaillais les jambes et le bras qui n'était pas plâtré. Au niveau de la condition physique j'avais d'excellentes sensations car je repartais sur un réel état de fraîcheur et j'ai donc compris que, de ce côté-là, il n'y aurait pas de souci. Par contre, pour le tir c'était autre chose. Je n'ai pu reprendre l'entraînement qu'au mois de septembre. Mais finalement, grâce à mes acquis et à un gros investissement mental sur la position (**), j'ai réussi à être là au bon moment.
- La musculation a t elle une place dans votre préparation terminale à un objectif?
- Non, tout le travail de développement musculaire se fait en amont de la saison. Quand les compétitions arrivent, le travail qualitatif a lieu sur les skis. Pour ne pas perdre les acquis, je me contente alors de faire des pompes et des abdominaux tous les jours. Parallèlement je m'étire beaucoup le dos afin de développer ma cage thoracique, ce qui est utile pour une meilleure ventilation pendant l'effort.
- Vous conformez vous à certaines règles nutritionnelles et à une approche psychologique particulière pour optimiser votre préparation?
- J'ai cherché ce qui pouvait m'aider sur le plan alimentaire surtout en ce qui concerne la récupération. C'est pourquoi j'utilise toute la gamme des produits Punch Power. Je prends aussi une gélule par jour d'un complexe d’antioxydants naturels à dose nutritionnelle (« Oxybiane ») et on m’a prescrit une complémentation en fer (***) pendant toute la saison pour ne pas risquer une carence qui ne serait pas étonnante avec mes nombreux séjours en altitude et l'accumulation des courses. Du côté psychologique, je ne peux pas dire que j'ai une préparation mentale bien définie mais j'ai remarqué que selon mon attitude le matin d'une course, le résultat que j'y obtiens est différent. Si je reste très renfermé, que je parle peu, je fais généralement une meilleure course que quand je suis plus ouvert et communicatif. Dans ce dernier cas, j'ai le sentiment de me disperser, alors que l'autre comportement correspond sûrement à ma façon de me concentrer.
(*) Voir Sport et Vie n26
(**) Dans une discipline très informationnelle comme le tir, il est possible d'entretenir son niveau en reproduisant mentalement les sensations qui correspondent à la réussite (le basculement de la cible en biathlon) et en passant beaucoup de temps en position (couchée et debout) derrière sa carabine. Ces derniers exercices permettent de conformer la musculature à l'attitude spécifique du tireur et de renforcer la perception de la position idéale.
(***) Cet apport de fer est assuré par un complément alimentaire pour améliorer la disponibilité à l'organisme de l'oligo élément. Il s'agit d'une association de fer et de protéines sous forme d'hydrolysats (hydrolysat de protéines de blé ou de soja).
Bibliographie:
(1): E.W Banister, T .W Calvert (1980) : Planning for future performance : implications for long term training. Can.J.Appl.Spt Sci., 5 (3) : 179-6.
(2) : R.H. Morton (1991) : The quantitative periodization of athletic training : a model study. SportS Med. Training and Rehab., 3 : 19-28.
(3) : T.S. Kuhn (1996) : The structure of scientific revolutions. University of Chicago Press.
(4) : D RICHE (2000) : Le guide du trail. VO2 Editions.
(5) : B BRUN (1999) : « L’entraînement en course à pied- 2ème édition, A compte d’auteur.
(6) : Jacques Duchateau, "L'entraînement de la force spécifique en sport: fondements physiologiques et applications pratiques". Les cahiers de l'INSEP, n3 1992, 95 P.
(6’) : B ESSEN (1978) : Studies on the regulation of metabolism in human skeletal muscle using intermittent exercise as an experimental model. Acta Physiol.Scand., Suppl. 454 : 1-32.
(7): Jean Pierre Egger, "De l'entraînement de la force à la préparation spécifique en sport". Les cahiers de l'INSEP, vol. 1, n1 1992, 88 P.
(8): Laurent Schmitt, Jean Pierre Herry, "L'entraînement en altitude du skieur de fond", rapport des stages de préparation aux Championnats du monde de ski de fond de 1997 et aux JO de Nagano, 17P.
(9): Charles Yannick Guezennec, "Sport Entraînement et régulation hormonale". Les cahiers de l'INSEP, n9 1994, 75 P.
(10): "Sélection et préparation terminale pour les Championnats du Monde et les Jeux Olympiques". Les cahiers de l'INSEP n16 17 1996, coordination: Ghislaine Quintillan, 255 P.
(11): "La récupération en sport: approches des techniques et des moyens". Les cahiers de l'INSEP n14 15 1996, coordination: H. Hélal, E. Jousselin et Y. Demarais, 189 P.
(12): Véronique Billat, "Course de fond et performance", Editions Chiron, 1991, 280 P.
(13) Edward Coyle, Wade Martin & Coll (1984) : Time course of loss of adaptation after stopping intense endurance training. J.Appl.Physiol., 57 (6) : 1857-64.
Denis Riché - Sport et Vie - 2001
Photos : Philippe ENG & Girls Band
Le 15ème livre de Denis Riché sera publié le 18 janvier 2021.
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