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La courbe de GAUSS n'épargne pas nos Gosses !

La mort d’un sportif considéré, par ses pairs, comme un artiste de sa discipline, touche toujours ceux qui furent contemporains de ses exploits ou qui, a fortiori, l’ont personnellement connu, même fugitivement. Ce fut mon cas, à l’occasion du travail entrepris auprès de l’équipe de France de Rugby à l’orée de la Coupe du Monde 2003. L’une des étoiles parties rejoindre les autres résidents permanents de nos cieux, faisait partie de ce groupe de qualité.


Mais une fois l’émotion un peu retombée à l’annonce d’une telle disparition, vient le temps de l’analyse ; et la question qui se pose alors laisse un goût amer dans la bouche : « Est-ce vraiment une surprise ? ». La science nous a appris que les différentes aptitudes dont nous disposons, la capacité à courir vite, notre taille, notre vue, notre facilité à fabriquer les neurotransmetteurs par exemple, ne se répartissent pas de manière harmonieuse au sein de la population. Au contraire, à l’instar de la pointure des chaussures qu’un élève statisticien s’amuserait à mesurer chez l’ensemble des mâles adultes de ce pays, cette hétérogénéité constitue la règle. Les spécialistes des chiffres ont même modélisé cette  variabilité : la courbe qui décrit la répartition d’une particularité donnée au sein d’une population, par exemple la pointure, ressemble à un gros chapeau. C’est ce qu’on nomme la courbe de « Gauss » (représentée sur la figure ci-dessous). La moyenne correspond à ce qu’on observe chez la majorité des individus issus de ce groupe. Cela correspond à 100 % de l’aptitude concernée. Ainsi, si l’élève statisticien de tout à l’heure, pas dégoûté par les orteils qui puent et les ongles dégueulasses mène à terme son travail, il trouvera sans doute que cette valeur médiane correspond à la taille 41. Si le dernier homme adulte qu’il ait rencontré au cours de ses pérégrinations était un basketteur pro, on peut imaginer sans peine qu’il lui aura attribué la valeur de « 47 »… ce qui place cet individu bien au-delà de la moyenne. A l’inverse, s’il s’agissait d’un homme pudiquement qualifié de « personne de petite taille », il aura plus vraisemblablement trouvé chez lui des godasses de 37 ou 38, faisant de lui un « point statistique » situé bien en-deçà de la moyenne.


Qu'est ce que la Courbe de Gauss?

 

La courbe de Gauss est connue aussi sous le nom de « courbe en cloche » ou encore de « courbe de la loi normale ». Elle permet de représenter graphiquement la distribution d'une série et en particulier la densité de mesures d'une série.

 

Johann Carl Friedrich Gauß (Gauss) st un mathématicien, astronome et physicien allemand, né en 1777. Il est considéré comme l'un des plus grands mathématiciens de tous les temps.



Cette inégalité concerne également l’aptitude de nos neurones à fabriquer ces molécules qu’on nomme les « neurotransmetteurs ». Considérons ainsi l’un d’entre eux : la sérotonine. Son rôle consiste à contrôler l’humeur, les pulsions, l’impulsivité, l’irritabilité. Elle participe aussi à la gestion du stress. Sa synthèse peut souffrir fortement d’entraves telles que l’inflammation ou la présence de troubles digestifs chroniques, situations fréquentes dans le contexte du sport de haut niveau. Leur permanence pourra alors conduire à une situation qu’on pourrait comparer à celle d’un basketteur qui, soudainement, se trouverait amputé de ses orteils, et pourrait se contenter d’acheter du 41. Si, au lieu des ses pieds, la réduction concerne son aptitude à fabriquer la sérotonine, que se passera-t-il ? Peu de choses ; dans certaines circonstances il montrera des signes d’agacement inaccoutumé de sa part, mais rien de plus. Par contre, si ce sportif dispose malheureusement, au départ, de pieds très inférieurs à la moyenne c’est-à-dire, si on poursuit notre analogie, d’une aptitude réduite, dans le meilleur des cas, à fabriquer sa sérotonine, alors le contexte inhérent à la pratique compétitive aboutira, malgré la survenue de satisfactions ponctuelles, à un état de blues permanent. Ce dernier passera par des hauts et des bas, que rien ne saura corriger, pas même l’amour de ses proches, et que l’arrêt de la carrière, souvent vécue comme un exutoire temporaire au mal-être, aggravera.

 

Prenons le cas d’un autre neurotransmetteur, la dopamine. Véritable « starter » des processus cognitifs et émotionnels son déficit peut survenir en lien avec des choix alimentaires inappropriés mais aussi, là encore, dans un contexte d’inflammation ou de stress chronique. De ce fait celui qui, dans ce contexte, chausse plus petit que la moyenne, et se rattrape en se servant de la « main de Dieu », développera tous les signes de ce déficit chronique : baisse de motivation, besoins de stimulants, éventuelles tendances addictives, et malgré le désir permanent de sortir de mauvaises passes, régimes sévères, cliniques high-tech pour stars en proie à des démons, il continuera, entre deux séjours, à tomber toujours plus bas, mettant en péril sa santé des suites des écarts de conduite répétés qu’on lui prêtera.


Sait-on ce qui régit ces différences de métabolisme ? Comme je le développe dans mon prochain livre : « Le cerveau, un deuxième intestin ? », même si une partie de la partition n’a pas encore été déchiffrée, il semble indéniable que la détermination de la pointure se joue très tôt, sans doute dans le ventre de la mère. Cela se déroule vraisemblablement sous l’influence prépondérante du monde bactérien qui s’y trouve. Les aléas de la vie, ensuite, vont minorer ou accentuer les vulnérabilités « innées » qui sont héritées de la vie fœtale, et rien ne laisse à penser que, en dépit d’une stratégie nutritionnelle appropriée, de l’emploi de techniques de gestions de stress véritablement efficaces, que malgré le recours à la méditation ou au Taï Chi, par exemple, ou encore malgré un management bienveillant, il se révèle possible de continuer à vivre avec cette vulnérabilité. Par contre, ce que mon expérience suggère, c’est qu’il n’existe pas à ce jour de structures sportives, institutionnelles ou privées, qui fasse de l’ensemble de ces moyens, des outils de première nécessité. Non seulement cela épargnerait un bon nombre de souffrances psychologiques aux jeunes champions, exposés au risque de perdre peu à peu pied, mais cela leur permettrait aussi de ne pas succomber aux exigences grégaires de quelques adultes faisant autorité, et les incitant sans vergogne à avoir recours à des techniques interdites, à user de leurs corps pour assouvir leurs propres besoins, voire à les malmener en associant ces deux travers. Enfin, cela offrirait également une possible voie d’accompagnement dans l’après-carrière, ce moment brutal où les projecteurs s’éteignent et où, plongés dans le noir, ces artistes en souffrance n’arrivent jamais à trouver l’interrupteur qui permettrait de remettre de la lumière. 


Les perturbations de la « chimie » cérébrale constituent l’un des champs auxquels la micronutrition, depuis un quart de siècle, vise à apporter des solutions garantes de la santé mentale des patients, qu’ils fussent sportifs ou non. C’est pourquoi voir partir un joueur qu’on a pu accompagner un temps, procure une réelle tristesse, un désagréable sentiment d’impuissance, et nous conforte dans cette idée que nous sommes mortels. Et sans doute, avant de tirer notre révérence à notre tour, s’agit-il d’agir de manière suffisamment utile à l’Univers pour y laisser une trace durable. Les dirigeants et hommes «importants » qui tiennent le gouvernail ont-ils cette conscience aigüe que nous ne sommes que des particules de poussière d’étoile (‘Stardust we are »- The Flower Kings ).


Adios Domi...

Denis Riché - 25 novembre 2020

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