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LES CYTOKINES... ON EN PARLAIT AVANT LA COVID19!

LE SURENTRAÎNEMENT COMMENCE DANS LE MUSCLE.

 

 

 

            Les charges d’entraînement auxquelles se soumettent désormais les sportifs de haut niveau les exposent de plus en plus régulièrement au surentraînement. Compte tenu de la fréquence accrue avec laquelle ce problème les touche, de nombreux spécialistes ont tenté d’en déterminer l’origine, qu’on situe en général au niveau « central » ou « cérébral » et d’élaborer une théorie permettant de relier entre eux les multiples symptômes qui y semblent associés. Une très récente étude a suscité un réel émoi ; selon son auteur, Lucille Smith (18), tout partirait du muscle…

 

DIFFERENTS “STOP-MODELES” :

 

            L’entraînement moderne est très codifié. L’un des principes auxquels personne ne déroge au plus haut niveau, est celui de la « surcharge », qui implique de solliciter l’athlète au-delà d’une zone de confort physiologique, de façon à améliorer ensuite ses capacités (6). Malheureusement, la frontière est ténue entre la performance et le surmenage, synonyme de contre-performance, et les charges auxquelles les athlètes se trouvent aujourd’hui soumis les prédisposent à cette altération chronique de leurs aptitudes. Pour l’Homme de science, le diagnostic du surentraînement est on ne peut plus simple ; le premier critère qui en signale la présence est la méforme. Au-delà de cette évidence, on doit rappeler que d’autres critères peuvent éveiller notre curiosité, comme une sensation de fatigue généralisée, des tendances dépressives, des douleurs musculaires et articulaires, et bien d’autres critères au milieu desquels il est facile de se perdre. Recensant les différents critères répertoriés par divers auteurs, après avoir pris la précaution d’harmoniser les symptômes parfois évoqués sous des noms différents, Robert Fry (7) a dressé un inventaire éloquent : En tout, ce sont 93 signes, biologiques, cliniques, psychologiques, etc… qui, seuls ou combinés, peuvent en faire suspecter la présence. Même si certains travaux se fondent plutôt sur des paramètres biologiques, que d’autres s’appuient sur des critères de performances ou qu’une dernière série sélectionne principalement des données immunologiques, ce qui met un peu d’ordre dans ce grand fouillis, cet inventaire exhaustif de Fry montre clairement que beaucoup reste à comprendre et à apprendre sur cette question.

 

            Ces dernières années, selon les sensibilités et les champs respectifs de recherche de leurs auteurs, plusieurs théories de la fatigue chronique se sont vues proposées. Une école s’est focalisée sur le rôle de l’hypothalamus (10), de l’axe hypothalamo-hypophysaire et du système nerveux autonome, en prenant en compte les modifications des taux sanguins des catécholamines, des corticoïdes et de la testostérone chez des athlètes en contexte de surentraînement. Indiscutablement, ces systèmes se trouvent impliqués dans la survenue du « syndrome de surentraînement », car nul ne peut nier que l’entraînement intensif représente une forme de stress extrême qui affecte profondément l’activité de ces glandes. Mais de sérieux doutes existent quant au fait que ces perturbations seraient la cause, plutôt que la conséquence, du surentraînement. De plus, certaines observations fréquemment faites chez des athlètes surentraînés n’entrent pas dans ce cadre. D’autres théories furent donc avancées ces dix dernières années.

 

            C’est ainsi le cas de celle de la « glutamine », qu’on doit au chercheur britannique Eric Newsholme (13). Rappelons que la glutamine est un acide aminé « semi-essentiel ». Autrement dit, dans certaines situations telles que l’entraînement intensif, la synthèse réalisée dans nos tissus ne suffit plus à en satisfaire les besoins (16). On a souvent relevé un effondrement de son taux sanguin chez des athlètes fatigués. Or, selon Newsholme, cette chute expliquerait la fréquente altération des défenses immunitaires et l’importante incidence d’infections relevées chez les athlètes surentraînés. En effet, les globules blancs utilisent prioritairement cet acide aminé pour leur métabolisme. De récents et intéressants travaux (que nous développerons dans un prochain article), semblent corroborer cette hypothèse. Mais cela n’explique pas tout ; il est en effet difficile de faire entrer dans ce cadre la fatigue musculaire, les problèmes tendineux ou les troubles de l’humeur.

 

            La même école s’est aussi penchée sur la question de la fatigue centrale, la reliant à la chute du taux sanguin d’un autre acide aminé essentiel, le « tryptophane ». Cette baisse, qui peut s’observer au cours d’un effort de longue durée ou au repos chez un athlète surmené, peut affecter son entrée dans le cerveau. Usuellement, sa transformation par des enzymes situés dans les neurones aboutit à la synthèse d’un neurotransmetteur particulier, la « sérotonine ». Celui-ci peut moduler l’humeur et une modification de son taux peut favoriser la survenue d’un état de léthargie caractéristique de l’athlète surmené. Les problèmes de sommeil et les perturbations du comportement alimentaire qui résultent d’une moindre fabrication de la sérotonine se rangent parmi les symptômes souvent associés au surentraînement. Il est donc indéniable que ce mécanisme intervient aussi, mais lui non plus n’explique pas la totalité des signes relevés chez des athlètes visiblement épuisés.

 

            Cette théorie a vite évolué vers une approche reliant cette hypothèse du « tryptophane », avec le modèle dit des « acides aminés ramifiés » (8). En effet, ceux-ci modulent le métabolisme de l’ensemble des acides aminés à la fois au niveau du muscle et du cerveau. Leur taux peut avoir chuté dans le contexte du surentraînement, et affecter à la fois l’activité du cerveau et celle des muscles. Bien que séduisante, cette approche ne permet pas une explication complète et cohérente de l’ensemble des manifestations cliniques du surentraînement.

 

Plus anciennement, le rôle crucial du glycogène a été soulevé par l’équipe de David Costill, dont l’approche se concentrait principalement sur l’énergétique musculaire. Pour eux, la fatigue correspondait à une incapacité des fibres à produire suffisamment d’énergie pour faire face aux besoins de l’exercice (5). Ces chercheurs, qui ont vu passer un grand nombre de sportifs de haut niveau dans leur laboratoire de l’Université de Ball State, considèrent qu’en présence de charges de travail trop lourdes les athlètes ne peuvent pas reconstituer suffisamment vite, ni à un niveau assez élevé, leurs réserves de glycogène. Cette impossibilité, en partie liée à des contraintes horaires- dans la mesure où il faut au moins 24 heures pour remonter les réserves de « super » à un niveau suffisant, avec de surcroît un apport glucidique élevé (16)- expliquerait en partie les sensations de fatigue et la baisse de performance enregistrées chez des sportifs épuisés. Certes, la présence de trop faibles niveaux de glycogène est souvent relevée dans le cadre du « syndrome de surentraînement ». Mais des travaux menés auprès de cyclistes ont montré qu’en dépit d’apports glucidiques corrects, une majoration très nette du volume hebdomadaire d’entraînement provoquait l’apparition de nombreux symptômes caractéristiques du surentraînement (19). Pourtant, dans cette étude-là, le taux de glycogène restait à un niveau élevé chez les cyclistes surmenés. Un an après sa formulation, l’hypothèse plaçant le glycogène au centre du problème du surentraînement se voyait donc écartée. Si la possession de trop faibles réserves de glycogène affecte effectivement le niveau de performance, il s’agit même d’un élément déterminant sur marathon, il ne s’agit pas d’un critère décisif dans la survenue du syndrome de surentraînement. Pourtant, l’idée de localiser la provenance du signal initial de surmenage dans le muscle était fondée, comme nous allons le voir. Mais il manquait l’idée directrice permettant de relier entre elles toutes ces hypothèses et d’expliquer pourquoi, à un moment donné, il faut dire « stop » avant de sombrer irrémédiablement dans la fatigue chronique…

 

 

AU COEUR DU PHENOMENE : LES TRAUMATISMES REPETES SUBIS PAR LE MUSCLE :

L’idée de Lucille Smith est que le point de départ du « syndrome de surentraînement » se situe dans le muscle, et que tout débute avec la survenue de micro-traumatismes. On sait qu’avec les charges d’entraînement actuelles et les nombreuses compétitions à disputer, des lésions peuvent affecter les muscles, les tissus conjonctifs, les os et les articulations. Selon elle, il s’agit de micro-traumatismes « adaptatifs », constituant la première étape d’un continuum dont la blessure constitue l’ultime phase. Ces micro-traumatismes adaptatifs peuvent résulter de plusieurs causes. Ils feront cependant principalement suite à la réalisation de mouvements comportant des contractions « excentriques » (17), comme la course en descente. On considère aussi que des exercices demandant une importante dépense énergétique, comme le contre-la-montre à vélo, des semi-marathons pédestres ou les compétitions de kayak, donnent lieu à des épisodes d’ischémie, dont on connaît la responsabilité dans la survenue d’atteintes liées à la production de « radicaux libres » (1, 3). Dernière cause envisagée, les gros volumes d’entraînement, qui sollicitent très fortement les articulations, peuvent à terme favoriser la survenue de lésions dans ces tissus.

 

Lucille Smith a proposé de qualifier ces atteintes d’ »adaptatives » du fait qu’elles occasionnent une réponse inflammatoire modérée qui s’avère nécessaire à la cicatrisation des zones lésées (4). La cicatrisation survenue, on relève alors une plus grande résistance de ces tissus aux futures sollicitations. Ce processus participe au processus d’adaptation à l’entraînement, c’est-à-dire à l’ensemble des transformations invisibles qui contribuent à de plus grandes aptitudes physiques sous l’effet d’un entraînement régulier.

 

Ces petites atteintes ne signent pas, par elles-mêmes, la survenue du syndrome de surentraînement qui nous préoccupe ici. Il faut que d’autres circonstances soient réunies. Selon Lucille Smith, la réalisation de séances trop dures et trop fréquentes, avant que les tissus aient eu le temps de se régénérer, pour qu’un degré de gravité plus important soit atteint. Cette chronicité pourra entraîner leur dégradation progressive (15), donnant lieu à une blessure sans gravité ou à une méforme passagère.

 

Comment peut-on basculer de la méforme transitoire au surmenage chronique ? La réponse viendrait également du muscle, et c’est ce qui confère à l’idée de Lucille Smith toute son originalité ; l’accumulation de ces atteintes et leur persistance vont favoriser la libération de substances à action vasodilatatrices, agissant au niveau local, et se nommant les « cytokines ». Chez les athlètes qui, malgré leurs douleurs musculaires, maintiennent un gros volume d’entraînement et réduisent au minimum leurs périodes de récupération, s’instaure peu à peu un état de surentraînement, alors que l’inflammation, initialement localisée aux parties des muscles endommagées, devient chronique et s’étend à tout l’organisme. Cette seconde étape correspond à l’activation par les cytokines d’une classe de globules blancs présents au niveau sanguin, les « monocytes » (15). Ces monocytes activés produisent à leur tour une très grande quantité de cytokines, qui amplifient cette réponse, pour donner lieu à une inflammation globale. C’est ce passage à une réponse inflammatoire systémique qui constituerait alors le point de départ du syndrome de surentraînement.

 

 

 

L’INFLAMMATION QUI NOUS PROTEGE :

 

L’inflammation représente la réponse adoptée par l’organisme face à une atteinte tissulaire, et sa finalité vise à favoriser la guérison, indispensable à la survie. Ses manifestations les plus évidentes sont le gonflement, la rougeur, la chaleur, la douleur et la perte de fonction des zones concernées. Cependant, tous ces signes ne sont pas forcément visibles simultanément, tout dépend de la gravité de l’atteinte. La réponse inflammatoire se déclenche de manière synchronisée, en plusieurs étapes, chacune d’elles amplifiant cette réponse d’origine locale. Les premiers événements cellulaires qui la constituent conduisent à la mobilisation de certaines catégories de globules blancs. La première famille à intervenir est celle des neutrophiles, dont la durée d’action se limite aux premières 24 heures (17). Les monocytes les relaient alors, et lors de leur passage dans la circulation ils se transforment en macrophages. Ces deux groupes peuvent, à eux seuls, relâcher dans la circulation plus de 100 types différents de molécules actives. Ces acteurs essentiels de la réponse inflammatoire doivent agir de concert et avec précision. Ce sont les cytokines qui assurent ce travail de chef d’orchestre. Elles peuvent être élaborées par une multitude de tissus, à l’inverse des hormones auxquelles elles s’apparentent, mais dont chaque série reste l’apanage d’une seule glande. Par exemple, tous les tissus stockant des graisses, c’est-à-dire principalement les adipocytes, le foie et le muscle, peuvent en fabriquer. De plus, une grande variété de stimuli peuvent activer ce processus. Citons par exemple la présence de radicaux libres –formés en quantité accrue dans certaines conditions d’effort-, les lésions tissulaires et les agents infectieux (2). De nombreuses situations peuvent ainsi faciliter la production de cytokines par les fibres musculaires.

 

Ces observations vont dans le sens de l’hypothèse de Lucille Smith à laquelle elles donnent un certain poids sur le plan théorique. Mais il y a plus intéressant encore. On sait ainsi que divers tissus, parmi lesquels le foie et le cerveau, possèdent des récepteurs aux cytokines. Dans le contexte d’une inflammation générale ils vont les fixer, ce qui va modifier certaines de leurs fonctions. De ce fait, on comprend mieux un certain nombre d’observations associées au syndrome de surentraînement. Ainsi, l’une des nombreuses actions des cytokines consiste à favoriser la production, par les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, d’autres familles de cytokines, ce qui va entretenir et amplifier le processus inflammatoire. Au niveau du foie, certaines protéines impliquées dans la « phase aigüe du stress » (et mesurées à un taux plus élevé dans le cadre du surentraînement), voient leur synthèse s’accélérer sous l’effet des cytokines, exactement comme au cours d’une maladie. Au niveau de l’hypothalamus, elles peuvent changer la valeur du « thermostat » central, ce qui va se traduire par une poussée de fièvre. On sait également que le taux de certaines cytokines pro-inflammatoires (comme l’IL-6), s’élève très nettement après un effort intense ou un exercice ayant provoqué des atteintes tissulaires. De même, certaines cellules telles que les myoblastes, les cellules satellite ou les myocytes en train de se régénérer, produisent d’abondantes quantités d’IL-6 (14). Ainsi, un large faisceau d’arguments indique que ces cytokines d’origine musculaire coordonnent la réponse inflammatoire de tout l’organisme, qui met en jeu le foie, l’hypothalamus et même le système nerveux central. Tous les symptômes de surentraînement décrits découleraient de ce processus. Divers travaux récents (12) suggèrent que l’activation du cerveau par les molécules de l’inflammation (et plus particulièrement par les cytokines libérées par le muscle), modifient le comportement des sujets, rendus plus apathiques, atoniques, comme lors de maladies infectieuses, d’atteintes chroniques comme l’arthrose (maladie inflammatoire à caractère chronique), après une intervention chirurgicale, ou lors d’un état de surmenage. Cela se manifeste par une grande variétés de troubles, par exemple par une diminution de l’appétit, une perte de poids, une réduction de la sensation de soif, une perte de libido, des tendances dépressives, un désintérêt pour la vie quotidienne, de l’angoisse et des troubles du sommeil (*). L’ensemble de ces observations figurent dans le tableau clinique du « syndrome de surentraînement » et lui donnent une cohérence jusqu’alors impossible à trouver.

 

L’évolution nous a fait hériter de cet ensemble de réponses adaptatives, qui ont en fait une finalité perceptible. Il s’agit d’un verrouillage, permettant à notre organisme de privilégier impérativement la récupération après une agression, fût-ce la maladie, une opération, du surmenage ou un deuil. Cela permet à l’organisme de minimiser ses dépenses d’énergie « superflues » et de les concentrer sur le point le plus important : recouvrer un bon état de santé. La perte de l’envie de courir, la moindre libido, le repli sur soi et un état d’esprit peu expansif s’expliquent alors fort bien. Quant à la diminution de la soif et de l’appétit, dont la finalité paraît moins évidente, elle aurait aussi une logique : Dans les temps reculés, la soif et la faim nécessitaient en général, pour être assouvies, une dépense d’énergie non négligeable, nécessaire à la recherche de vivres et de boissons, comme à l’époque des chasseurs-cueilleurs. Le blocage de ces pulsions limitait la déplétion des réserves d’énergie vitale (9). Cette adaptation nous a été transmise et est demeurée intacte.

 

 

 

(*) : Ces observations recoupent ce que certains malades mentionnent dans le cadre d’inflammations chroniques telles que les appendicites ou les inflammations digestives, pour lesquelles on n’a jamais su expliquer de manière rationnelle, jusqu’alors, les épisodes de fatigue tenace ou les maux de tête qui les accompagnaient et disparaissaient, comme par hasard, après ablation de l’organe défectueux.

 

 

UN CONCEPT QUI RECONCILIE LES DIFFERENTES THEORIES :

 

Loin de constituer un modèle « à part », la théorie de Lucille Smith a le mérite d’intégrer de manière cohérente les divers autres modèles envisagés jusqu’alors. Ainsi, la « théorie » de la glutamine cadre tout à fait avec elle. Rappelons, comme l’indique longuement Eric Newsholme dans ses écrits, que cet acide aminé sert de manière prioritaire à la fabrication des protéines de l’inflammation. Quand cet état apparaît, son taux cellulaire s’abaisse, et la faiblesse immunitaire qui en résulte ne constitue alors qu’une des conséquences de la réponse inflammatoire déclenchée par notre organisme. L’hypothèse de la fatigue centrale associée à la sérotonine entre également dans ce modèle. En effet, l’inflammation donne lieu à deux phénomènes défavorables. D’une part, les besoins en tryptophane, précurseur cérébral de la sérotonine, augmentent en raison de l’activation de la synthèse des protéines de l’inflammation, élaborées dans le foie (processus évoqué à l’instant à propos de la glutamine). D’autre part, un enzyme contribuant à sa dégradation, « l’indoleamine 2,3 dioxygénase », voit son activité s’accroître. Ainsi, une plus faible quantité de tryptophane parvient au cerveau (11). Ceci se traduit par la chute de la synthèse de sérotonine et par les modifications comportementales défavorables qu’on y associe.

 

Qu’en est-il de l’hypothèse qui fait de la chute du glycogène un élément important du surentraînement? Cette perturbation trouve naturellement sa place dans ce modèle, la baisse chronique des réserves de « super » constituant dans ce contexte une conséquence et non plus la cause initiale du surmenage. Pourquoi ? Parce que le déclenchement de la réponse inflammatoire provoque une diminution de l’appétit. On va alors, vraisemblablement, manger moins de glucides. Simultanément, les cellules impliquées dans cette réponse consomment une plus grande quantité de sucres. De plus, les cytokines de l’inflammation bloquent l’action des transporteurs qui, à la surface des fibres, favorisent normalement l’entrée du glucose dans les fibres, qui vont alors plus difficilement le stocker sous forme de glycogène. Ce processus défavorable est particulièrement évident dans le cas d’un effort excentrique, notamment après un marathon, sept jours s’avérant dans ce cas nécessaires à la restauration des réserves de « super », en dépit d’une ration extrêmement riche en glucides qui, en temps normal, sature ces réserves en 48 à 72 heures (16). De ce fait, lors d’une inflammation, les réserves de glycogène des fibres se trouvent limitées à un niveau moindre, très vite incompatible avec la réalisation de séances intensives ou prolongées. La poursuite de l’entraînement dans de telles conditions occasionne alors l’état de fatigue qu’avait décrit David Costill (5) lorsqu’il avait suggéré que le surmenage découlait d’une saturation imparfaite des stocks de « super ».

 

Dans ces conditions où les glucides sont moins disponibles, les acides aminés « ramifiés » vont alors prendre le relais et leur taux va à son tour s’effondrer, comme on l’a constaté en de multiples occasions, ces dernières années, chez des sujets surentraînés. On sait également que leurs besoins augmentent chez des sujets venant d’être opérés ou ayant été victimes de brûlures (16). Le point commun entre ces deux situations réside dans le déclenchement d’une réponse inflammatoire d’abord locale, puis générale, qui s’accompagne d’une fatigue tenace. La théorie de Gastmann (8) trouve donc elle aussi sa place dans le modèle des cytokines.

 

On voit finalement que l’idée selon laquelle les signaux responsables de l’état d’alerte proviennent des muscles, c’est-à-dire du tissu le plus sollicité par l’activité physique, et selon laquelle ce seraient eux qui informeraient les divers organes vitaux de la situation préoccupante qui s’instaure est très cohérente, y compris lorsqu’on la replace dans une perspective évolutive ; au-delà des multiples manipulations pharmacologiques ou nutritionnelles qu’elle nous permet d’envisager en réponse au surmenage, et qui parfois améliore la situation sans résoudre à elles seules, loin de là, le surmenage (16), elle redonne au repos la place qu’il devrait occuper dans ce cadre : la première, puisque lui seul permet d’éteindre complètement la flambée inflammatoire à l’origine de l’état de surmenage apparu. Elle rend également complètement illusoire l’idée de substituer à l’entraînement des séances d’électro-stimulation, parfois proposées comme entraînement « passif », dans la mesure où cette démarche sollicite l’organe qui commande le déclenchement de l’état de surmenage. Mieux vaut encore investir dans un bon matelas !

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

(1)   : ALA Y, PALLUY O & Coll (1992) : Agents Actions, 37 : 134-9.

 

(2)    : CAVAILLON JM (1994) : Biomed.Pharmacot., 48 : 445-53.

 

(3)    : CHILD R, WILKINSON D & Coll (1998) : Med.Sci.Sports Exerc., 30 : 1603-7.

 

(4)   : CLARKSON P, TREMBLAY I (1988) : J.Appl.Physiol., 65 : 1-6.

 

(5)   : COSTILL D, FLYNN M & Coll (1988) : Med.Sci.Sports Exerc., 20 : 249-54.

 

(6)   : FRY A, KRAEMER W (1997) : Sports Med., 23 : 106-29.

 

(7)   : FRY R, NORTON A & Coll (1991) : Sports Med., 12 : 32-65.

 

(8)   : GASTMANN U, LEHMANN M (1998) : Med.Sci.Sports Exerc.,  30 : 1173- 8.

 

(9)   : HART B (1988) : Neurosci.Biobehav.Rev., 12 : 123-37.

 

(10): LEHMANN M, FOSTER C & Coll (1998) : Med.Sci.Sports Exerc., 30 : 1140-5.

 

(11): MAES M, VERKERK R & Coll (1997) : Eur.Arch.Psychiatry Clin.Neurosci., 247 : 154-61.

 

(12): MAIER S, WATKINS L (1998) : Psychol.Rev., 105 : 83-107.

 

(13): NEWSHOLME E, PARRY-BILLINGS M & Coll (1991) : “Advances in nutrition and top sports” : 79-83.

 

(14): PEDERSEN B, ROHDE T (1997) : IN : “Exercise Immunology” : 89-112.

 

(15): PERRY J (1992) : Brit.Med.Bull., 48 : 668-82.

 

(16): RICHE D (1998) : “Guide nutritionnel des sports d’endurance”, Vigot Ed.

 

(17) : SMITH R (1991) : Med.Hypoth., 35 : 298-306.

 

(18): SMITH L (2000) : Med.Sci.Sports Exerc., 32 (2) : 317-31.

 

(19): SNYDER A (1998) : Med.Sci.Sports Exerc., 30 : 1146-50.

 

Denis Riché

 

 

 

 

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