LA "GLUCOSE EVOLUTION"...
GLUCOSE EVOLUTION :
Un courant « récent », qui remet au goût du jour de vieilles recettes relookées et modernisées à l’ère de la société communicante, présente le régime cétogène comme la clef de notre santé. Rappelons de quoi il s’agit. C’est une stratégie diététique qui s’inspire des mœurs alimentaires qui existaient à l’ère du paléolithique. Mais au XXIème siècle cette approche ancestrale, largement guidée par les contraintes environnementales d’alors, ont été significativement durcies. L’idée, aujourd’hui, consiste à restreindre au minimum la teneur en glucides de notre ration. Pour quelle raison ? Selon les panégyristes de cette approche, ces derniers seraient à l’origine de tous nos maux.
L’intérêt pour les hommes du paléolithique, dans le domaine de la nutrition, remonte au début des années 70, les travaux princeps ayant été effectués en catimini sur le sujet. Les professeurs Willett et Cordain ont ainsi consacré leurs carrières à caractériser le mode de vie de nos ancêtres préhistoriques, afin de voir en quoi leur alimentation et leur activité leur avaient permis de survivre, mais avaient également modelé les réponses de notre organisme pour les générations à venir. Pour bien comprendre ce poids du passé, je vous invite à dévorer le dernier livre d’Anthony Berthou. Qu’était-il ressorti de leurs travaux ? Ils ont montré que le régime « paléo », par la force des choses, associait une forte consommation de végétaux crus (fruits, légumes, graines, champignons, oléagineux) et de viandes, en quantité variable selon les résultats de leur chasse. Les caractéristiques nutritionnelles de ce régime mettaient en avant une teneur en protéines élevée, des apports en lipides modérés et peu de glucides, hormis sous la forme de fruits et de miel. Il s’agit des données brutes, qui ont été quelque peu négligées du fait que les scientifiques ont également l’habitude d’évaluer en pourcentages les apports en glucides, protéines et lipides. Dès lors la ration du paléo est « hyperlipidique », mais sans être hyper grasse. Vous comprenez la nuance ?
DU PALEO A L’AGRICULTURE :
Avec la sédentarisation, l’espèce humaine a pu diversifier ses choix alimentaires, introduisant par exemple les laitages et les produits céréaliers, ceci conduisant à un apport supérieur en glucides, sans que cela n’ait de répercussions néfastes majeures. Cette nouvelle manière de vivre a offert de surcroît des possibilités nouvelles face aux risques de disette, que certaines cultures culinaires locales nous rappellent. Les montagnards, par exemple, ont tiré profit des fromages ou des pommes de terre pour se nourrir l’hiver, et la gastronomie savoyarde a hérité de cette histoire. Les céréales apportent de l’amidon, c’est-à-dire une forme de glucides qualifiée à l’origine de « complexe », dénuée de saveur sucrée. Mais ces produits délivrent également des minéraux, des oligo-éléments, parfois à des taux très élevés. Ainsi, certains chiffres nous apprennent qu’en 1906 un paysan français consommait environ 600 g de pain par jour, ce qui lui apportait quotidiennement plus de 400 mg de magnésium, de quoi faire face à ses besoins. Il en allait différemment à la fin du XXème siècle ; entre l’appauvrissement des farines utilisées et la chute de la consommation moyenne, le pain quotidien n’avait plus grand intérêt et avait déjà perdu une bonne part de sa valeur sacrée.
Les deux derniers siècles se sont surtout caractérisés par l’essor de la consommation de sucres raffinés (glucose, saccharose, fructose) souvent ajoutés dans les denrées transformées ou préparées. L’essor du sucre va de pair avec le goût pour les desserts. Initialement, cette vogue correspondait à un contexte sociologique ; témoignant de l’abondance, ils répondaient en partie au plaisir de la table recherchés par ces « parvenus », et on ne peut pas dissocier cette fonction symbolique, très bien décrite par Maguelonne Toussaint- Samat dans « L’histoire naturelle et morale de l’alimentation » (1987), de celle que peuvent revêtir les sodas et autres produits de «malbouffe » aujourd’hui. Ainsi, dans la conclusion de ses travaux longs de plusieurs années, la sociologue Priya Fielding Singh expliquait en 2017 que : « quand on ne peut pas acheter des Stan Smith, des sacs Vuitton ou des Ray ban à ses ados, et qu’on affirme le droit d’appartenir à la société de consommation, les sodas et boissons au cola représentent le seul achat qui permette de se sentir intégré». Autrement dit, la peur de la précarité et de l’exclusion peuvent constituer un moteur de consommation, et tant qu’on ne demande pas aux personnes « pourquoi elles mangent comme elles mangent », aucune campagne de sensibilisation ne sera pertinente.
D’ATKINS A HAAS :
Quel lien avec le régime cétogène ? J’y viens. Avec les trente glorieuses et une accessibilité accrue à une plus grande diversité d’aliments, dont beaucoup furent proposés par l’industrie agro-alimentaire, on a observé une flambée de maladies dites « de civilisation » (même dans des pays qui ne partagent pas cette « civilisation » avec nous, comme au Moyen Orient ou en Russie). La corrélation entre la consommation de « sucres » au sens large et l’augmentation de ces pathologies a sauté aux yeux. Mais une corrélation trahit-elle une causalité ? Pas si sûr. Toujours est-il que dès les années 70, aux USA, le Dr Atkins proposa un régime inspiré du modèle paléo, riche en viandes, fromages, comprenant aussi quelques légumes, mais bien moins qu’à l’époque de nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs. Quel en était l’objectif ? Il consistait à réduire fortement l’apport de glucides. Pourquoi ? Parce qu’il lui semblait que ceux-ci jouaient un rôle charnière dans l’explosion de ces pathologies. En modifiant radicalement les parts respectives des grandes catégories de macronutriments, faisant la part belle aux lipides et évinçant les glucides, son régime contribuait à la formation de molécules apparaissant dans notre organisme en cas de jeûne ou de privation glucidique. Il s’agit des corps cétoniques. Capables d’apporter de l’énergie aux cellules, y compris au cerveau, dotés d’effets rassasiants, ils semblaient donc constituer une réponse appropriée. A l’époque, on ne parlait pas encore de « bonnes » ou de « mauvaises » graisses, l’intérêt pour les « oméga 3 » n’émergeant qu’au cours de la décennie suivante. Toute graisse, selon Atkins, était bonne à avaler, sans restriction ni discernement. Qu’est-il donc arrivé ? Certes on maigrissait. Mais on mourait également. Notamment de maladies cardio-vasculaires. Les cardiologues vouèrent donc aux gémonies ce modèle alimentaire qui tomba en désuétude.
La nature ayant horreur du vide un autre prit aussitôt sa place. Soutenu par les écrits du Docteur Robert Haas (« Manger pour gagner », paru en 1985) ou par Michel Montignac, il faisait entrer en scène un nouveau suspect : L’insuline. Pourquoi ? Cette hormone favorise la mise en réserve des glucides, soit sous forme de glycogène (dans le foie ou les muscles), soit sous forme de lipides dans le tissu adipeux. Dans le premier cas, il s’agit d’un phénomène favorable, dans le second cas on voit plutôt un processus qui, exacerbé, s’avère plutôt néfaste. Comment orienter dans une direction plutôt que dans l’autre ? Haas proposait d’apprivoiser cette hormone en restreignant les lipides (qui apportaient moins de 20% de l’ensemble des calories de la ration) et en faisant la part belle à l’activité physique, alors que Montignac conseillait plutôt de les choisir en fonction de leur impact sur l’insuline. En effet, cette hormone participe, au même titre que quatre autres, au contrôle très fin de la glycémie. Toute chute brutale de celle-ci étant néfaste au cerveau, ces acteurs hormonaux agissent de concert, en fonction du taux sanguin, de l’état des réserves, de l’éloignement et de la composition des repas, pour assurer un relatif statu quo. L’insuline a comme principale fonction de faire entrer le glucose dans les tissus qui lui sont sensibles, à savoir le muscle et le tissu adipeux, et d’activer sa mise en réserve dans le foie. Comment agit-elle ? Dès qu’on consomme des glucides (qu’il s’agisse de soda, de fruits, de sucre, de pain blanc, de lentilles ou de pomme), l’arrivée du glucose (qui est le produit final de la digestion de ces aliments), déclenche une libération de l’insuline. Cette libération lorsque l’organisme se trouve en bonne santé, sera proportionnelle à la quantité consommée. Par contre, si le taux de cette hormone atteint des pics trop élevés, le scénario tournera à la catastrophe. Montignac proposait d’éviter certains aliments glucidiques (qui faisaient trop grimper l’insuline) et de privilégier les céréales complètes, les légumes secs et les fruits, dont on considérait qu’ils s’accompagnaient d’une élévation plus raisonnable de cette hormone. De ce fait, son régime visait à prévenir l’entrée du glucose dans le tissu adipeux et sa transformation en graisses. Cet objectif se comprend aisément à la lumière des connaissances de la fin des années 80. En effet à cette époque, on pensait qu’une telle anomalie faisait suite à la conjonction d’une « sensibilité génétique » (axe de réflexion dominant jusqu’en 2010) et d’apports glucidiques inadaptés, trop abondants ou trop riches en sucres raffinés. La combinaison de ces deux facteurs allait alors précipiter le surpoids ou le diabète chez les sujets prédisposés.
L’APPARITION DE L’INDEX GLYCEMIQUE EN 1980 ALLAIT-ELLE TOUT CHANGER ?
Dans le contexte de la fin des années 70, le monde de la physiologie s’est donc demandé si tous les aliments contenant des glucides perturbaient de manière similaire le métabolisme et activaient l’insuline de manière comparable. Les nouveaux moyens techniques à la disposition des laboratoires, à savoir les mesures séquentielles de glycémie post-prandiales et l’informatique, ont permis de suivre au plus près les fluctuations en temps réel. Et cela s’est révélé très instructif. Ainsi, l’équipe britannique du professeur Jenkins, au début des années 80, mena une série de travaux qui aboutirent à l’émergence d’un nouveau concept dont vous avez sans doute entendu parlé : l’index glycémique. De quoi s’agit-il ? Il décrit l’importance des perturbations de la glycémie, observées sur plusieurs heures, et provoquée par la prise d’une portion d’un aliment X. Les tests étaient menés de manière à ce que les portions de chaque aliment testé délivrent toutes 50 g de glucides. Autrement dit, ces chercheurs observaient comment fluctuait la glycémie après l’ingestion de 50 g de glucose, de 250 g de pâtes cuites, de 600 g de pomme… Vous percevez déjà intuitivement que ces différents aliments ne donnent pas lieu à des réponses similaires… Certains font effectivement peu bouger la glycémie, ce qui se traduit par un « index glycémique » bas, comme dans le cas de la pomme. A l’inverse, lorsque le glucose contenu dans un aliment gagnait rapidement le sang, la glycémie variait beaucoup plus, et l’index glycémique était alors élevé. Ce critère semblait donc aider à établir la frontière entre les « bons » et les « mauvais » sucres, l’emplacement de la frontière étant laissé à la libre appréciation de chacun.
L’index glycémique permet-il d’éviter les gros pics d’insuline ? Non. Ce qu’ont aussi montré Jenkins et ses collègues (découverte vite rangée dans les oubliettes de la mémoire des nutritionnistes), c’est que si les portions glucidiques ne représentent plus 50 mais 100 g, alors tous les aliments, à part quelques exceptions, provoquent un pic d’insuline exagéré. L’impact d’un aliment va donc dépendre des quantités ingérées…. Ainsi, finie la distinction entre « bons » et « mauvais » sucres. Il restait le problème des portions excessives… Alors comment se prémunir des dangers de notre alimentation moderne ? Simple, selon Jenkins. Il suffirait de calibrer les portions et de se montrer prudent pour éviter les pathologies de civilisation… Hélas non. Depuis deux générations on constate une montée en flèche des problèmes de poids et de diabète, et ces fléaux ne semblent plus épargner personne, alors que la consommation de sucre par habitant et par an stagne depuis le début de ce siècle, tout comme celle du pain blanc… Cela n’empêche. Simultanément, diverses études pointent une augmentation inquiétante des dérèglements de l’insuline au point que, chez certains praticiens, on veuille éviter toute montée de cette hormone. Même des portions apportant 50 g de glucides et qui, autrefois, auraient conduit à une montée raisonnable de l’insuline, deviennent aujourd’hui potentiellement source d’anomalies métaboliques. Dans ce nouveau contexte sociologique et sanitaire, tout aliment contenant du sucre deviendrait alors potentiellement néfaste… De là découlent deux idées majeures : la première consiste à limiter drastiquement le sucre sous toutes ses formes. La seconde amène à voir l’insuline comme un danger, ce qui a conduit au retour en force du régime paléo cétogène, tel qu’on le voit en ce moment. L’objectif est simple : pas de sucre, pas de pic d’insuline, et pas de pic d’insuline, pas d’anomalie métabolique. Logique apparemment. Il s’y ajoute une nuance propre à notre époque, la radicalisation. Sous la plume de quelques-uns, le sucre devient un « toxique » voire un poison, à ranger dans la même catégorie que la dioxine, la botuline ou l’uranium. Or, le dogme éloigne souvent de la raison.
GLUCOSE REVOLUTION VRAIMENT ?
Prenons un peu de recul ; si en l’espace de trois générations on est passé alternativement par le cétogène, l’hyperglucidique, puis à nouveau le cétogène, sans rien changer à la situation, c’est qu’on ne regarde pas le problème sous le bon angle ni du bon endroit. Considérons celui-ci d’un point de vue plus holistique. Quels changements majeurs avons-nous connus en l’espace d’un demi-siècle, au point de mettre en péril la santé du plus grand nombre ?
Nous avons d’abord subi un appauvrissement de toute la chaîne alimentaire et accepté passivement qu’on accorde une place croissante aux aliments raffinés et transformés ; cette évolution amène dans nos assiettes bien moins de micronutriments, et l’effondrement de leur teneur peut influer sur un grand nombre de fonctions, qu’il s’agisse de celles en lien avec le cerveau (choix alimentaires, préférence, dégoût, envie de manger et satiété), avec le système immunitaire ou avec le métabolisme. Cette pauvreté micronutritionnelle altère de ce fait la façon dont l’insuline va répondre à un apport donné de glucides.
Nous subissons ensuite une imprégnation croissante et transgénérationnelle de nos tissus par des toxiques disséminés dans notre environnement, et donc certains viennent amplifier les pics d’insuline. Pour quelles conséquences potentielles ? Une réponse métabolique inappropriée aux glucides, y compris s’ils sont consommés en faible quantité. Ceci corrobore l’idée que le sucre serait un « toxique », alors qu’il est un substrat auquel notre métabolisme est adapté pour en tirer de l’énergie, le souci étant qu’il provient d’aliments altérés sur le plan nutritionnel et toxicologique. On confond en fait les glucides et les toxiques présents dans l’aliment d’où on les tire.
Le troisième bouleversement est en relation avec les atteintes subies par notre écosystème intestinal, c’est-à-dire l’ensemble constitué du monde fongique (le « mycobiote »), du monde bactérien ( «le microbiote « ) qui ont durablement élu domicile dans notre intestin, avec l’accord de notre système immunitaire. Les études publiées depuis une quinzaine d’années sur ce sujet, notamment sous l’égide des Belges Nathalie Delzenne et Patrice Cani, ont mis en évidence qu’en l’espace de trois générations, sous l’influence d’antibiothérapies, du stress, des choix alimentaires défavorables (dont je défends l’idée qu’ils sont guidés par ce monde bactérien en état de déséquilibre), des changements brutaux étaient survenus. Ils ont relevé un manque de diversité des populations bactériennes, ceci étant corrélé avec des anomalies de la réponse à l’insuline. Entre autres découvertes, ils ont signalé que plusieurs antibiothérapies prescrites avant l’âge d’un an augmentent le risque ultérieur de devenir diabétique ou obèse, et ceci indépendamment de la consommation de sucre à d’autres moment de la vie.
Enfin, le dernier facteur défavorable jouant un rôle sur la réponse du pancréas (qui libère l’insuline), est indéniablement le stress. Influant sur le comportement alimentaire, sur l’équilibre de l’écosystème, contribuant à une libération intempestive du cortisol (qui fait grimper la glycémie), il entretient une réponse anormale aux glucides. Restreindre ceux-ci et imposer un régime cétogène règlera-t-il ces problèmes ? Manger sans glucides ne constituera-t-il pas un facteur de stress supplémentaire ? Ces questions méritent d’être posées.
Présenter le glucose comme un toxique est une affirmation erronée, qui témoigne du stress dans lequel se trouvent ceux qui défendent ce concept. En effet, le propre de la communication sous l’emprise de ce stress est l’absurde. Considérer cette molécule comme toxique va à l’encontre de la réalité de la physiologie, qui se réinvente plus difficilement qu’un C.V. Le glucose exerce en effet un grand nombre de fonctions primordiales pour notre organisme et il peut entrer dans une multitude de synthèses, comme détaillé plus loin…. ce qui en montre l’importance métabolique. Inversement, le plomb, l’uranium ou les dioxines, authentiques toxiques, s’accumulent sans qu’ils servent à quoi que ce soit. Le stress n’est pas proportionnel à la gravité des événements sur l’échelle des faits divers, pas du tout. En fait, comme l’ont souligné les travaux de jacques Fradin (entre autres), il se caractérise par ce qui est nouveau, imprévisible, par ce qui échappe au contrôle et ce qui touche à l’ego. Or, quand un praticien, ou a fortiori un patient, se trouve démuni face à la complexité des pathologies de civilisation, il tend à se rassurer avec une réponse simple, « limbique » qui offre une solution toute faite et rassurante, fût-elle dénuée de tout fondement. Or, le sucre n’est pas un poison. Si vous êtes en viager, invitez votre propriétaire à boire un café tous les matins. Si vous y ajoutez un sucre, serez-vous pour autant accusé d’homicide par tentative d’empoisonnement à son encontre deux ans plus tard ?
La question du glucose s’avère éminemment complexe. Indépendamment de son rôle énergétique, il exerce des rôles fonctionnels majeurs. Il permet de fabriquer le coenzyme Q10, crucial pour notre métabolisme et la protection de nos tissus. Il aide à élaborer le ribose (qui sert à fabriquer l’ARN et l’ADN), il permet de régénérer une molécule nommée le glutathion, elle aussi dotée d’effets anti-oxydants et impliquée dans la détoxication hépatique, il bloque certains gènes impliqués dans l’inflammation. Il influe également sur les équilibres hormonaux, limitant les pics de cortisol en cause dans la baisse des défenses immunitaires et il assure le maintien de l’étanchéité de la muqueuse intestinale. De plus, pour que certaines synthèses puissent se tenir, la présence de l’insuline est requise. Elle s’avère notamment déterminante pour l’entrée des acides aminés dans les tissus afin d’y renouveler les protéines. L’anabolisme lié à cette hormone est vital, l’insuline n’est pas dangereuse, ses pics ne sont pas à bannir. Il s’agit plutôt d’identifier et de corriger les anomalies contribuant à des élévations excessives qui, elles, portent à terme atteinte à notre santé. Tour est affaire de nuance… Plus facile à dire qu’à faire direz-vous ? Lisez ce qui suit un peu plus bas.
Si on réduit l’apport glucidique en dessous d’un niveau minimal que se passe-t-il ? Pour maintenir la glycémie à distance des repas, le foie met en branle un processus nommé la « néoglucogénèse ». Il consiste à transformer en glucose certains dérivés présents dans nos tissus. Cela peut s’exercer aux dépens de certains acides aminés, mais à son fonctionnement maximal cette voie d’urgence ne permettra pas, par exemple, d’apporter suffisamment de glucose en cas d’activité physique. Gardons à l’esprit qu’il s’agit d’une filière métabolique de « compensation », utiles entre les repas pour garder une glycémie stable, mais qu’à aucun moment elle suffit à elle seule à garantir durablement un approvisionnement en glucose qui soit optimal pour l’ensemble de nos tissus. Le glucose s’avère également indispensable au bon déroulement d’une filière métabolique qui se joue au cœur de nos tissus. Elle se nomme le « cycle de Krebs ». Au cours de celui-ci, la présence de glucose à un taux satisfaisant permet de tirer l’énergie contenue dans les lipides. A l’inverse, en l’absence de glucose, les cellules utilisent un starter de substitution : Certains acides aminés vont alors intervenir pour assurer le bon déroulement de cette voie énergétique. A quel prix ? On peut s’inquiéter d’une possible chute des synthèses protéiques (certains acides aminés venant à manquer, le processus de fabrication de protéines pourrait en pâtir, comme si vous jouiez au scrabble en retirant certaines voyelles). Mais pire encore, certains de ces acides aminés détournés servent habituellement, en marge de leur participation à la synthèse des protéines, à fabriquer certains neurotransmetteurs, à assurer la synthèse de l’ADN, à contrôler l’épigénèse, à garantir une bonne immunité. Autrement dit, faute de glucides en quantité suffisante, on assiste à une combustion excessive de certains acides aminés, au risque d’affecter des processus cruciaux pour notre organisme…. Sans pour autant régler le problème du surpoids et du diabète.
ALORS COMMENT FAIRE ?
Il n’existe pas de solution simpliste à un problème complexe ; assurer un meilleur dialogue intestin- pancréas, limiter la présence de toxiques, identifier le stress et s’en protéger au maximum, rechercher des nutriments à « haute densité nutritionnelle » constitueront quelques-unes des clefs, à mettre en place au cas par cas. Quant à l’apport en glucides, il est possible de savoir si, pour un individu donné, les apports sont optimaux ou non. En effet, le fonctionnement de l’insuline peut être apprécié avec un bilan biologique approprié. Si les résultats révèlent une anomalie, il conviendra d’ajuster le niveau et surtout la chronologie des apports. Par contre, si les apports glucidiques sont chroniquement trop faibles, les défenses anti-oxydantes, le taux de glutathion, celui de coenzyme Q10, le niveau de certains neurotransmetteurs (qu’on peut évaluer dans les urines), la fréquence d’épisodes infectieux, l’ampleur du phénomène d’hyperperméabilité (en particulier chez les sportifs), la persistance d’un état inflammatoire de bas grade nous alerteront sur cette réduction trop poussée. Le croirez-vous ? Des athlètes d’endurance séduit par le régime « low carb » se retrouvent régulièrement, quelques mois plus tard, avec des avaries aux conséquences dépassant largement le bénéfice attendu de cette stratégie anti-glucides. Epuisement chronique, perte de poids, déprime, fragilité immunitaire les auront mis hors circuit. Une approche prudente, fonctionnelle et individualisée s’impose. C’est ce que je défendais déjà en 2001 avec le concept d’apports de sécurité en glucides, dans l’ouvrage : « Diététique et micronutrition du sportif ». Dernière question : Si nos ancêtres du paléo avaient eu le choix de manger du riz avant de chasser, de manière à courir plus vite et plus longtemps derrière leur gibier, se le seraient-ils interdit ?
Denis R.M. Riché.
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Birgit (lundi, 01 mai 2023 12:02)
Excellente différentiation d’un problème très complexe. Merci de mettre un peu de sens dans le bruit médiatique �
Andy Coendet (lundi, 01 mai 2023 14:44)
Article intéressant, qui montre un sacré travail.
Je me demande qu'en est-il des fibres dans tout cela ?
Cordialement
GUIU Bénédicte (mercredi, 03 mai 2023 22:34)
Belle synthèse �. J'adore remonter l'histoire. Elle est toujours très éclairante.